Spartacus
Germains » ; il compte pas moins de 35 000 hommes et leur chef se nomme Cannicius. Plutarque donne aussi le nom de Cannicius comme nouveau chef des Gaulois, en y adjoignant celui d’un certain Castus. Nous ne savons rien d’autre d’eux ; ces chefs comptent-ils au nombre des gladiateurs échappés du ludus de Capoue ou se sont-ils joints par la suite à l’armée rebelle ? Sont-ils de la même origine ou représentent-ils deux groupes ethniques distincts au sein de ceux que les auteurs latins et grecs appellent Gaulois ou Celtes ? Nous n’en savons rien. Ce qui semble évident est leur indiscipline chronique envers Spartacus, alors même que la nouvelle campagne est mal engagée. Malgré les pertes causées lors des précédentes scissions d’Oenomaus et de Crixus, les Gaulois continuent à se démarquer du gros de l’armée. Sans être jamais majoritaires, ils constituent toujours une forte proportion au sein des troupes de Spartacus. Tite-Live souligne en outre, comme Plutarque dans l’épisode de Crixus, que les Germains font toujours cause commune avec les Celtes. Malgré l’aura de Spartacus, les tensions interethniques demeurent plus fortes que tout ; encore une fois, nous sommes loin de l’image d’Epinal d’un peuple d’opprimés solidaires derrière un nouveau Moïse respecté de tous.
En fait, cette armée ressemble plutôt à celle de Vercingétorix. Malgré un ennemi bien identifié, les Gaulois de Spartacus éprouvent une difficulté chronique à s’unir et à se soumettre à une discipline commune. Les Gaulois feront la même expérience désastreuse vingt ans plus tard contre César. Circonstance aggravante, Spartacus est thrace et son autorité n’a jamais été formellement reconnue par les Gaulois ; il parle une langue incompréhensible pour les Celtes et les Germains, ce qui l’oblige à baragouiner en latin pour s’adresser à leurs chefs. Avec de tels handicaps, Spartacus a peu de chances de faire mieux que Vercingétorix. Ce dernier, jeune prince gaulois issu d’une famille prestigieuse et soutenu par les druides, ne parviendra pas à discipliner durablement les Gaulois 94 . En tout et pour tout, il ne leur fera oublier leurs conflits tribaux que l’espace de trois saisons, et ce de manière très imparfaite. Pourtant, comme Spartacus, Vercingétorix connaissait suffisamment les forces et les faiblesses de l’armée romaine pour lui porter des coups sévères ; malgré cela, rien ne put empêcher son échec final à Alésia 95 . Comme Spartacus, Vercingétorix a remporté plusieurs succès. Mais leur plus grand titre de gloire, à l’un comme à l’autre, demeure d’avoir pu unir pendant quelques mois des guerriers que tout opposait. Bien sûr les Gaulois suivent parfois Spartacus : les survivants de chaque scission sont rentrés dans le rang ; honteux de leurs échecs, ils ont même fait assaut de bravoure. Mais, une fois leurs maladresses oubliées, dès que leur groupe ethnique se trouve renforcé par de nouvelles recrues, leur naturel belliqueux et indiscipliné revient au galop. Les auteurs ne le disent pas, mais il y a fort à parier que les Gaulois ont beaucoup critiqué la candeur de Spartacus face aux pirates ; fascinés par l’or, ils n’ont certainement pas digéré de voir partir leur part de butin avec les pirates. Dans le camp des esclaves ce contentieux doit probablement animer les conversations depuis le début de l’hiver. Malgré la proximité des Romains, l’amertume éloigne progressivement les Gaulois et les Germains des autres groupes d’esclaves tout en nourrissant leur méfiance à l’égard de Spartacus.
Quelles que soient les raisons profondes de la nouvelle scission, cette faute tactique fait le bonheur de Crassus. A en croire les différents auteurs qui traitent de cet épisode, il faut comprendre que les Gaulois ne partagent plus le même campement que Spartacus mais que ce dernier établit toujours le sien près d’eux. Il semble donc qu’il s’agisse d’une fâcherie plus que d’une véritable rupture entre les deux groupes. Il se peut également que le chef rebelle ne puisse se résoudre à couper son armée en deux, une troisième fois, pour le plus grand plaisir des Romains. C’est au bord d’un lac de Lucanie que Crassus tente de profiter de la division des esclaves. Les précisions géographiques sont minces pour situer le lieu de cet accrochage, Plutarque dit seulement que l’eau de ce lac « change
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