Spartacus
Rapidement, ces derniers tombent dans le piège, car eux aussi pensent probablement n’avoir en face d’eux que la plus petite partie de l’armée de Crassus. Une fois les Gaulois à portée, cette partie de la cavalerie romaine se place sur les ailes de Crassus tandis que le reste contient toujours Spartacus. A partir de là, le sort en est jeté. Les Gaulois se retrouvent probablement à un contre trois face à une armée romaine qui a choisi son terrain et qui a eu le temps de se mettre parfaitement en ordre de bataille : protégées par la cavalerie sur leurs ailes, les légions ne peuvent pas être débordées par les Gaulois. Comme les hommes de Castus et Cannicius sont en train de poursuivre la cavalerie de Crassus, leurs lignes doivent être en désordre lorsque les légions apparaissent. C’est donc dans les pires conditions que les Gaulois subissent la charge coordonnée de toute l’infanterie romaine. Stoppés dans leur élan en ordre dispersé, sans cavalerie pour protéger leurs ailes, ils ne peuvent rien contre des légions qui leur interdisent toute manœuvre. Dans cette région de collines entrecoupées de nombreux cours d’eau, l’armée gauloise se fragmente rapidement avant d’être totalement anéantie.
L’armée de Spartacus comptait-elle des femmes en son sein ?
Plutarque donne une autre version de cette bataille, qui complète celle de Frontin : « Il [Crassus] résolut donc d’attaquer ceux qui s’étaient séparés de Spartacus et faisaient campagne sous les ordres de Cannicius et de Castus, il envoya six mille hommes pour s’emparer par surprise d’une colline, avec ordre de tâcher de dissimuler leur marche. Ils essayèrent bien d’échapper à l’attention en enveloppant leurs casques de branches, mais ils furent aperçus par deux femmes qui faisaient un sacrifice en avant des ennemis, et ils couraient un grand danger quand Crassus arriva à l’improviste et engagea le plus violent de tous les combats. » Avant l’attaque de la cavalerie, Crassus a donc pris soin de faire occuper un point stratégique par 6 000 hommes, nombre correspondant à une légion entière. Leur rôle est sans doute de prendre à revers les Gaulois lorsque ces derniers seront sortis de leur camp pour affronter la cavalerie. Détail intéressant, les Romains tentent de se camoufler à l’aide de branches attachées à leur casque. Cette pratique est assez rare dans l’Antiquité, où les combattants se présentent généralement à la bataille avec des équipements rutilants et des plumes sur leurs casques. Ce souci de discrétion est assez caractéristique du pragmatisme des Romains et de la capacité d’adaptation de Crassus. Il faut comprendre que la région est boisée et que ce stratagème peut aider les légionnaires à se fondre dans le paysage.
Malheureusement pour eux, deux femmes les aperçoivent. Avec la compagne de Spartacus, ces deux femmes sont les seules à apparaître dans les récits des auteurs antiques. La justification de leur présence hors du camp gaulois à la pointe du jour diffère selon les auteurs. Pour Salluste, c’est leurs menstruations qui les obligent à s’éloigner ; selon Plutarque, leur fonction n’est pas anodine puisqu’elles sont en train de procéder à des sacrifices. Plutarque met peut-être là le doigt sur un point important qui n’a pas suffisamment été souligné du fait de la discrétion des sources. Si l’on se souvient que la compagne de Spartacus est une prophétesse dionysiaque, il est troublant de voir que les deux Gauloises sortent du camp pour des motifs religieux. Cette dimension est forcément importante dans l’histoire des esclaves révoltés, malheureusement les auteurs n’insistent pas sur ce point ; les seuls éléments de comparaison en notre possession demeurent les deux premières guerres serviles de Sicile, où l’aspect prophétique et religieux était déjà très fort. Il est donc probable que Spartacus et les chefs gaulois aient voulu étayer une part de leur autorité et de leur ascendant sur leurs hommes en ayant recours à des prophétesses. Pour ce qui est des Gaulois, cette influence des prêtresses sur les guerriers n’a rien d’étonnant : d’après Tacite, une prophétesse gauloise ou germaine du nom de Velléda jouera un rôle important dans la rébellion des Bataves qui éclatera sous le règne de Vespasien. Déjà sous Néron, la reine et sans doute prêtresse Boudicca soulève une partie des
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