Spartacus
tribus bretonnes contre les Romains et parvient presque à les chasser de la grande île. Pour saisir, autant que possible, le personnage de Spartacus, il serait juste de le représenter en train de sacrifier aux dieux et d’attendre le verdict de prophétesses plutôt que de l’imaginer en train de haranguer son « peuple » en l’abreuvant de discours révolutionnaires anachroniques. Tout comme le Gaulois Crixus, le Thrace Spartacus ne s’est certainement jamais lancé dans la bataille sans implorer la protection des cieux. Certes, l’image d’un héros tremblant à l’idée que le foie de l’animal sacrifié lui indique la défaveur des dieux correspond assez mal à nos représentations. Pourtant, cette image est beaucoup plus proche de la réalité que celle qui a été forgée par les penseurs politiques, les romanciers et les réalisateurs de péplums.
Il en va de même de la question des civils qui accompagnent Spartacus. Il est probable que cette armée d’esclaves n’a jamais été accompagnée de femmes, d’enfants et de vieillards. A aucun moment il n’est question de campements de civils alors que tous les auteurs parlent des camps militaires que le chef rebelle semble monter sur le modèle des camps de légion. A aucun moment les troupes de Spartacus ne sont encombrées ou ralenties par des non-combattants ; elles sacrifient plutôt le bétail et les prisonniers pour aller plus vite. Là aussi, l’image d’un Spartacus-Moïse conduisant son peuple doit être sévèrement revue. Même s’il n’est pas possible de l’affirmer définitivement, il est probable que les femmes sont très rares dans les rangs de cette armée. Sans doute sont-elles présentes, comme ces deux Gauloises occupées à quelque sacrifice, mais sans freiner la marche d’une armée de fugitifs qui se déplace très vite d’un bout à l’autre de l’Italie. Inimaginables aussi, dans ces conditions, de vénérables vieillards accompagnant de leur pas lent les guerriers gaulois et thraces. Il est enfin peu probable que de jeunes mères soient confortablement installées dans des chars à bœufs où elles peuvent à loisir allaiter leurs bébés tout en regardant défiler le paysage, comme c’est le cas dans le film de Kubrick. Il faut bien comprendre que ces hommes risquent chaque jour d’être pris, torturés et crucifiés. Eux-mêmes, lorsqu’ils se sont évadés, n’avaient que très rarement une famille, et dans les domaines de Campanie les esclaves font rarement de vieux os. L’objectif des rebelles est simple, tenter d’échapper à l’esclavage en vendant chèrement leur peau. Difficile dans ces conditions d’imaginer dans les camps de Spartacus autre chose que quelques prêtresses ou des filles de joie. Les Histoires de Salluste sont très fragmentaires à ce stade du récit, mais l’allusion aux deux femmes nous est parvenue. Les raisons qui poussent ces deux femmes à sortir du camp diffèrent de celles avancées par Plutarque, sans toutefois les infirmer totalement. Selon lui, « Lorsque le jour commença à peine à poindre, deux femmes gauloises se retiraient de l’assemblée pour passer le moment de leurs règles. » Ces deux femmes quittent donc le camp à cause de leur « impureté ». Le fait que seulement deux femmes aient leurs règles ce matin-là dans un camp de 25 000 guerriers témoigne certainement de la faible proportion féminine au sein de l’armée des esclaves.
Crassus face aux Gaulois
Quoi qu’il en soit, ces femmes jouent bien un rôle dans cette ultime bataille contre les esclaves gaulois et germains. En se tenant sans doute assez éloignées du camp pour procéder à leurs sacrifices, elles parviennent à éventer la manœuvre de Crassus. Celui-ci, comme le dit Frontin, voulait attirer les Gaulois sur le terrain qu’il avait choisi. En démasquant trop tôt la légion envoyée près du camp durant la nuit, les deux Gauloises risquent de tout faire échouer, or, au contraire, leur intervention contribue à précipiter les choses en faveur des Romains. Alertés par les cris des femmes, les Gaulois réagissent rapidement. Voyant sans doute dans cet heureux hasard un présage favorable, ils attaquent les 6 000 légionnaires avec des effectifs quatre fois supérieurs. La légion qui croyait surprendre les Gaulois est sans doute elle-même stupéfaite par leur attaque et manque d’être écrasée. Mais la joie des Gaulois est de courte durée : Crassus réagit lui
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