Spartacus
souvent de nature, et après avoir été douce quelque temps devient si amère qu’elle n’est plus potable ». Le lac aux eaux saumâtres laisse supposer que ce lieu est proche de la mer. Or la Lucanie antique est à la fois baignée par les eaux de la mer Tyrrhénienne du côté de Paestum et par celles du golfe de Tarente avec le port de Métaponte. Comme les Gaulois ont probablement pris la direction de Brindes en sortant du piège de Crassus, il est probable que ce soit vers Métaponte qu’il faille situer le premier accrochage de Crassus.
Crassus passe à l’offensive
Abandonnant définitivement sa stratégie de prudence, Crassus passe à l’attaque contre les Gaulois. Les Romains possèdent une importante supériorité numérique leur permettant de les affronter à trois contre un. En toute logique, la bataille doit tourner à l’avantage des Romains et il semble bien que les Gaulois s’enfuient après avoir subi des pertes. Pourtant, d’après Plutarque, Crassus « fut contraint de suspendre le massacre et la poursuite par l’apparition soudaine de Spartacus qui arrêta les fuyards ». Si l’on analyse ce passage, il semble que le Thrace ne soit pas intervenu directement dans la bataille mais qu’il ait pu regrouper les troupes. En fait, les Gaulois et les Germains, en infériorité numérique, perdent pied rapidement. C’est au moment où les Romains s’élancent pour les massacrer que Spartacus apparaît avec ses hommes. Crassus, craignant peut-être une ruse, a dû retenir ses troupes afin de les regrouper. Il laisse ainsi passer l’occasion de détruire une partie importante de l’armée des esclaves. Pourtant, même si l’intervention de Spartacus a été suffisamment opportune pour sauver une nouvelle fois les Gaulois du désastre, Crassus et ses hommes sont rassurés par ce premier engagement. L’armée rebelle n’est pas invincible et, à la guerre, le moral des troupes compte plus que tout. Les sources ne nous donnent pas d’autres précisions sur cette première bataille mais les pertes des Gaulois s’élèvent à 6 000 morts si l’on en croit le témoignage d’Orose. Ce chiffre est conforme au témoignage de Plutarque, qui parle d’un « massacre ». En outre, Orose affirme que les Romains font 900 prisonniers à cette occasion. On ignore ce qu’il advient d’eux, mais ils sont très probablement exécutés rapidement : en temps normal, un prisonnier de guerre ne peut compter que sur sa valeur marchande et sur le bon vouloir du vainqueur pour échapper à la mort. Dans le cas présent, aucun acheteur ne se risquerait à acquérir un esclave révolté qui a pris goût à verser le sang de ses maîtres. Dans le meilleur des cas, ces 900 prisonniers ont été passés au fil de l’épée, à moins qu’ils n’aient été crucifiés, supplice ordinaire pour les esclaves fugitifs. Quoi qu’il en soit, ces 900 prisonniers, pour une armée de 30 000 Gaulois, constituent une faible proportion. Moins d’un homme sur trente a baissé les bras et parmi eux beaucoup devaient être blessés. A partir de cet engagement, les Romains reprennent l’ascendant psychologique sur des ennemis qui se mettent à douter d’eux-mêmes. Pour autant, il ne semble pas que cet ultime engagement commun ait suffi à réconcilier les esclaves entre eux. D’après Appien, Spartacus reprend sa route vers le pays samnite ; les Gaulois continuent à le suivre, installant leur propre camp à proximité du sien.
Face à ces adversaires qui n’arrivent plus à regrouper leurs forces, Crassus brûle d’en finir. Dans l’affolement de la percée réussie par l’armée de Spartacus, il a bien écrit au Sénat qu’il fallait au plus vite rappeler Lucullus et Pompée pour le « seconder » dans cette guerre. Craignant alors pour Rome, Crassus a dû prendre cette décision difficile pour éviter à la ville désarmée de subir l’assaut des esclaves. A présent, après ce premier revers infligé aux Gaulois, il regrette amèrement son geste précipité. Il sait que l’ennemi a séparé ses forces. Il n’est plus invincible et il semble même plus faible qu’il ne croyait. A nouveau, il s’inquiète de son avenir politique, ce qu’analyse bien Plutarque : « Il avait hâte de terminer la guerre avant leur arrivée, sachant qu’on attribuerait le succès à celui qui serait venu à son aide, et non pas à lui. » De toute évidence, Crassus se berce d’illusions s’il pense que
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