Staline
soldats sont blessés. Le tribunal militaire
condamne deux prêtres à mort. Kalinine, président du Comité exécutif central
des soviets, demande leur grâce. Staline soumet la proposition à la procédure
de la consultation écrite. Il note d’abord : « Le Présidium… demande »,
puis remplace le Présidium, doté du droit de grâce, par le seul nom de Kalinine [393] ; la
demande devient individuelle. Quatre membres du Bureau politique votent pour la
peine capitale : Lénine, Trotsky, Staline et Molotov, trois contre :
Rykov, Tomski, Kamenev. Trois mois plus tard, un groupe de prêtres de Moscou,
accusés de menées contre-révolutionnaires, sont condamnés à mort. Kamenev
demande leur grâce ; Tomski et Rykov le soutiennent. Lénine, Trotsky,
Staline et Zinoviev votent la mort.
La famine continue à rôder de façon endémique. La campagne
des semailles, commencée en mars 1922, s’annonce mal. La confiscation des
objets du culte, exploitée par le clergé contre le régime, accroît la tension
sociale. Un rapport du Guépéou souligne : « La situation dans les
campagnes se dégrade considérablement […]. La situation des provinces où règne
la famine est, comme les mois précédents, extraordinairement difficile [394] . » Le
paysan, qui n’est plus menacé de réquisitions, recommence pourtant à semer et à
récolter. Le développement du commerce aide à la reconstitution d’un secteur
industriel vieilli. La production redémarre, les moissons reprennent et, par
chance, les récoltes de 1922 et 1923 sont bonnes. Mais la misère et la disette
frappent toujours les campagnes, et le chômage apparaît dans les villes. La
NEP, en aggravant les différenciations sociales, aiguise tensions et conflits.
En juin 1922, le responsable sibérien du Guépéou alerte Dzerjinski : « Les
cellules du Parti meurent […]. Les cellules rurales sont terrorisées. Les
militants de base quittent en masse le Parti […]. Les paysans détestent le
pouvoir communiste, les paysans pauvres eux-mêmes se rangent du côté des
koulaks et soutiennent leur candidature [395] . »
En mai, Staline, épuisé, est victime d’une crise d’appendicite
purulente. L’infection est si profonde qu’il faut amputer une partie du gros
intestin. Les médecins, craignant les effets du chloroforme sur son organisme
affaibli, ne procèdent d’abord qu’à une anesthésie locale, mais la douleur est
si forte qu’ils se résolvent à chloroformer leur patient, qui ressort de l’opération
cadavérique et très amaigri. Père depuis janvier d’un petit garçon, Vassili, il
voit arriver soudain son fils oublié Jacob, âgé de 14 ans et qu’il doit
accueillir. Cet adolescent nonchalant suscite en lui une antipathie immédiate
qui ne se démentira jamais. À l’étroit, il attend toujours son nouvel
appartement. En novembre 1921, Lénine prend les choses en main et demande
à Enoukidzé « d’accélérer la libération de l’appartement destiné à Staline ».
Obstacles ou négligence, rien ne se passe. Lénine s’énerve et relance Enoukidzé
le 13 février 1922 : « Et l’appartement de Staline ?
Quand donc ? Encore de la lenteur bureaucratique [396] ! » Le
lendemain, la décision est enfin prise et Staline déménage.
Il laisse s’étioler la campagne pour la confiscation des
objets du culte. Le 15 mai, le bureau de la commission d’Enlèvement,
persuadé que des objets du culte de valeur sont soustraits à la réquisition,
lui a demandé de donner des directives sur le degré de répression à utiliser
contre les coupables. Staline les renvoie au commissariat à la Justice. Lénine
est malade. Son éloignement laisse à Staline les coudées libres pour ce genre d’agissement.
Il lui permet aussi de prendre, en juillet 1922, une mesure salariale qui
va lui attacher les milliers de cadres moyens du Parti : les secrétaires
de comités régionaux du Parti percevront désormais un salaire de 43 roubles-or
par mois, augmenté de 50 % pour un père de famille de trois enfants ou
plus et pour les heures supplémentaires effectuées le soir ou les jours de
congé. Cela leur assure au total une rémunération cinq à six fois supérieure au
salaire ouvrier moyen. À ces augmentations cumulables s’ajoute le salaire en
nature (le paiok ) , modulé suivant la place occupée dans l’appareil,
et qui comporte viande, sucre, beurre, cigarettes, allumettes, toutes denrées
rares en cette période de
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