Staline
ceux que l’Allemagne avait suscités en octobre 1923. Staline
proclame le 21 avril : « Les événements ultérieurs ont prouvé
entièrement la justesse de la ligne suivie [545] . »
Mais il ne peut continuer à inviter les communistes chinois à soutenir le
massacreur. Quelques jours après, il leur intime l’ordre de soutenir un
dirigeant du Kouomintang de « gauche », limogé par Tchang, Wang Jin
Wei, installé à Wuhan.
Pour masquer sa déroute, Staline interdit la critique de sa
politique. Comme Radek, Zinoviev, Trotsky envoient des articles au vitriol à la Pravda, Staline nomme, au nom du Bureau politique, une commission de
trois membres : Molotov, Kossior et lui-même, qui s’oppose à leur
publication. Il explique aux étudiants chinois de l’université Sun-Yat-sen à
Moscou, le 13 mai : « Après la volte-face de Tchang Kai-shek, la
révolution dans son ensemble est passée à une phase supérieure de son
développement, à la phase du mouvement agraire [546] . »
Huit jours auparavant, le 5, il avait fait voter une mesure
restreignant la circulation des documents des instances dirigeantes : les
procès-verbaux des décisions du Bureau politique et des plénums du Comité
central doivent désormais être retournés au Secrétariat trois jours au maximum
après leur réception, et les extraits choisis envoyés plus largement au maximum
sept jours après. Ce resserrement de l’appareil répond aux tensions de la conjoncture
intérieure : en avril 1927, les bourses du travail enregistrent
officiellement 1 478 000 chômeurs (en réalité près de 2 millions)
pour un peu plus de 3 millions d’ouvriers au travail. À côté d’eux, dans
les villes, les intermédiaires en tout genre, qui profitent de la lourdeur du
système commercial étatique, organisent un échange juteux entre les usines et
la campagne, et mènent tapageusement grand train…
Dans la seconde quinzaine de mai, l’Opposition décide de se
battre au Comité exécutif de l’Internationale, dont l’appareil est entièrement
contrôlé, nommé et financé par Moscou. Le 20 mai, la Pravda publie
une lettre de Kroupskaia annonçant sa rupture avec l’Opposition. Staline a
réussi à faire craquer la veuve de Lénine. Radek fera bientôt circuler une
plaisanterie que certains historiens prendront au sérieux. Il met en effet dans
la bouche de Staline la phrase suivante : « Si Kroupskaia ne se tient
pas tranquille, je vais désigner une autre veuve de Lénine, Stassova. »
Certes on ne prête qu’aux riches, mais la boutade est apocryphe. Trois semaines
plus tard, les 13 et 14 juin, Staline traduit Zinoviev et Trotsky devant
une commission d’enquête formée de trois apparatchiks fidèles mais besogneux,
devant laquelle Zinoviev et Trotsky, vaguement blâmés, mènent la danse,
interrogent et accusent. Staline, à la lecture du procès-verbal, s’étrangle de
rage devant l’incapacité de ses hommes de main. Le 23 juin, il proteste
contre ce retournement de l’accusation dans une lettre à Molotov : « Il
est étrange que certains membres de la commission se soient cachés. Où est Sergo ?
Où s’est-il caché et pourquoi ? Quelle honte ! Je proteste résolument
contre le fait que la commission d’accusation de Trotsky et de Zinoviev se soit
transformée en tribune pour accuser le Comité central et le Comintern en
ficelant une affaire contre Staline qui n’est pas à Moscou et que l’on veut
charger de tous les péchés. » Il craint que les deux blâmés ne reçoivent
le procès-verbal de la réunion et ne le diffusent. « Il ne manquerait plus
que cela [547] ! »
Il ne fait plus confiance à grand monde…
Quatre jours plus tard, dans une lettre à Molotov il insiste
pour poursuivre la politique d’alliance avec le Kouomintang : il faut
soutenir le gouvernement de Wuhan, lui envoyer l’argent qu’il demande pour qu’il
conforte ses positions. Mais l’encre de la lettre est à peine sèche que ledit
gouvernement désarme les milices ouvrières et lance ses soldats aux trousses
des communistes et des paysans de la région qui prétendent s’emparer des terres
des propriétaires. Staline écrit alors à Molotov qu’il est temps de se
débarrasser du gouvernement de Wuhan. Mais c’est le gouvernement qui se
débarrasse des communistes… Staline décide alors qu’il faut « tenter de
prendre la maîtrise de la périphérie [bien obscure] du Kouomintang et l’opposer
à ses
Weitere Kostenlose Bücher