Staline
sommets actuels [548] ».
Puis, furieux de son échec, il reproche à ses amis de l’avoir induit en erreur.
Le 9 juillet, il morigène Molotov et Boukharine dans une longue lettre
sèche : « Vous m’avez joué un assez sale tour en me demandant mon
avis sur de nouvelles directives [concernant la Chine] sans me fournir une
documentation fraîche concrète. […] Vous parlez […] du désarmement des ouvriers
(désarmement de fait…) mais, d’abord aucun fait concret n’est indiqué, ensuite
ni la presse, ni les dépêches chiffrées (alors à ma disposition) ne parlaient
de l’existence de ces faits [549] . »
S’il se trompe, c’est parce qu’il est mal informé par ses pairs. Il ne dit pas
encore que cette rétention d’informations est volontaire, mais cela ne tardera
pas.
Il affirme que l’inéluctable sortie du parti communiste hors
du Kouomintang provoquera son entrée dans la clandestinité, et donc « arrestations,
passages à tabac, exécutions, trahisons et provocations dans son milieu ».
Cette évocation dantesque ne l’abat nullement, car, ajoute-t-il avec
désinvolture, il n’y a pas en Chine « de parti communiste véritable »
ou « effectif ». Sa quasi-disparition ne sera donc pas une grande
perte. Et il ajoute avec un mépris souverain : « Que représente l’actuel
Comité central du PC chinois ? Rien. » Mais ce Comité central ne s’est-il
pas contenté d’appliquer les directives du Comintern, définies à Moscou ? « Non !
objecte-t-il, car il ne les comprenait pas, ou ne voulait pas s’y conformer, et
a trompé le Comité exécutif [du Comintern] ou bien il n’a pas su les exécuter.
C’est un fait. » Ce sont donc des crétins ou des traîtres. Et il déclare
que ce Comité central, dont il n’a pas rencontré un seul membre, « ne
possède pas une seule tête marxiste capable de comprendre les dessous [les
dessous sociaux] des événements. Il n’a pas su mettre à profit la riche période
de l’unité au sein du Kouomintang pour mener un travail vigoureux d’organisation
ouverte de la révolution, du prolétariat, de la paysannerie, des unités
militaires révolutionnaires, pour révolutionnariser l’armée et opposer les
soldats aux généraux [550] »,
tout ce que Staline lui avait précisément interdit de faire.
Ainsi, la politique définie à Moscou était juste, mais les
exécutants l’ont sabotée. Il purge donc la direction chinoise aux trois quarts.
Une fois encore, l’appareil, dont les décisions, toujours justes, ne capotent
que par la faute des travailleurs immatures, abrutis ou peureux, a su reprendre
l’initiative.
L’Opposition lance une pétition contre la politique qui a
mené au désastre en Chine, l’appel dit des 84. Elle ne recueille que 3 000 signatures
de militants. Même si son analyse de la déroute en Chine apparaît pertinente à
beaucoup, la défaite décourage et ce découragement renforce l’appareil.
Le 6 avril, la police de Pékin fait une descente à la
représentation diplomatique soviétique qu’elle saccage. Le 12 mai, la
police anglaise envahit les locaux de la société commerciale anglo-soviétique
Arcos et de la délégation commerciale soviétique pour y rafler des documents
subversifs ; Londres suspend les relations diplomatiques avec l’URSS. Le 7 juin,
à Varsovie, un terroriste monarchiste abat le plénipotentiaire soviétique
Voïkov. Aussitôt, Staline proclame que les pays impérialistes préparent la
guerre contre l’URSS. Ce danger, affirme-t-il dans la Pravda, le 28 juillet,
est « réel et effectif ». Quatre jours plus tard, au Comité central
du 1 er août, il déclare : « La guerre est devenue
inévitable [551] . »
Cette analyse fantaisiste ne répond qu’à un besoin de politique intérieure. Les
grandes puissances capitalistes veulent, certes, restaurer la propriété privée
et le marché dit libre en URSS, mais Staline transforme leur pression
économique en menace militaire. Ainsi désormais, tout opposant pourra être
accusé de trahison. Dans ce même discours, il dévoile d’ailleurs ses
arrière-pensées : « L’Opposition désire la guerre […] l’Opposition
attend avec impatience les difficultés qui surviennent en temps de guerre, pour
utiliser ces difficultés dans les intérêts de sa fraction. » Pour ceux qui
n’auraient pas compris, il souligne que « des gens qui tentent de diviser
le Comintern et notre parti au moment où la
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