Staline
l’oeuvre », affirme que toute la
direction du parti polonais est noyautée par « des agents trotskystes »,
manipulés par la police politique polonaise, qui « a fait tirer sur ses propres
presses les livres de Trotsky et s’est efforcée de les distribuer gratuitement
dans les prisons parmi les détenus [911] » !
Le 2 juillet 1938, la direction du PC polonais se soumet à la
dissolution, consignée en août dans une résolution non publiée, signée par un
tiers des membres du présidium du Comintern. La décision, quoique officieuse,
est rendue publique. Tout Polonais qui s’affirme alors membre du PC sera
désormais considéré et traité comme un provocateur. Le seul dirigeant en
liberté qui refuse d’accepter la dissolution et fonde un parti communiste
indépendant, Léon Lipski, sera pourchassé par le NKVD qui l’abattra en juillet 1943
comme agent de la Gestapo.
Un tel acharnement sur le Parti communiste polonais s’explique
par une situation particulière que Lénine décrivait ainsi en octobre 1921 :
« Une victoire du pouvoir des soviets en Pologne, de l’intérieur, serait une immense victoire internationale […]. Une Pologne soviétique
fera éclater tout le système [du traité] de Versailles. Voilà pourquoi les
communistes polonais assument une responsabilité mondiale [912] . » Staline
le comprend fort bien. De plus, tout accord avec Hitler suppose la mort d’une
Pologne qui gêne les deux dictateurs et que le PC polonais pourrait
difficilement soutenir. Sa destruction est un nouveau signe adressé à Hitler.
Les 11, 14, 18 et 20 janvier 1938, l’assemblée
plénière (!) d’un Comité central croupion se réunit : il ne reste plus,
pour y participer, que 28 des 71 membres élus au congrès de janvier 1934 ;
la moitié d’entre eux appartiennent au Bureau politique. Le simple membre du
Comité central se fait rare. La purge ravage pourtant encore cette
mini-assemblée. Le rapport introductif de Malenkov, jeune poulain de Staline,
est fait pour rassurer. Il stigmatise les erreurs commises lors de l’exclusion
de tels ou tels communistes et la frilosité bureaucratique qui a caractérisé le
traitement des pourvois en appel des exclus. En 1937, dit-il, plus de 100 000 communistes
ont été exclus, dont 76 000 dans les six derniers mois ; or, une
bonne partie de ces exclusions étaient infondées et, dans de nombreuses
régions, la commission de Contrôle a réintégré la moitié ou plus des exclus.
Des calomniateurs de communistes honnêtes ont été arrêtés. Bref, le vent de la
détente semble souffler. Pourtant, plusieurs orateurs vedettes de cette réunion
vont être eux-mêmes liquidés sous peu : Kossarev, Tchoubar, bien que promu
vice-président du Conseil des commissaires du peuple, Kossior, Premier
secrétaire du PC ukrainien, et Eikhe, nommé deux mois plus tôt commissaire à l’Agriculture.
Il présente pourtant, selon Staline, qui fait prolonger son temps de parole, « un
très bon rapport » sur le « sabotage à la campagne [913] ».
À cette réunion, Staline concentre tous ses feux sur l’ancien
homme fort de l’Ukraine, Pavel Postychev, dont il prépare la chute depuis un
an. Envoyé en Ukraine en 1933, Postychev y a fait régner la trique et la
terreur, et instauré son culte personnel. Avec l’aide de sa femme, chargée de
mettre au pas les milieux intellectuels, il a organisé la chasse aux « nationalistes »
ukrainiens, aux déviationnistes de toute sorte, et aux calomniateurs qui
osaient évoquer la famine de l’hiver 1932-1933. En février 1937,
Staline le démet de ses fonctions de Premier secrétaire de la région et de la
ville de Kiev, puis de Premier secrétaire du Comité central d’Ukraine, et le
nomme simple premier secrétaire de la ville et de la région de Kouibychev. Les
raisons de sa disgrâce sont obscures. La personnalisation du pouvoir n’est qu’un
prétexte. En août 1937, Andreiev, envoyé par Staline contrôler l’activité
de Postychev, lui reproche de ne pas « mener la bataille contre les ennemis »
et exige de lui qu’il « mobilise les structures du Parti pour démasquer
les ennemis [914] ».
Postychev tombe dans le piège tendu par son ancien
protecteur et épure sauvagement l’appareil du Parti. Il chasse en une seule
séance 34 députés du soviet de la ville de Kouibychev, exclut 17 des 41 membres
du comité de ville élu une semaine plus tôt sous sa direction, dissout,
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