Staline
sans en
référer au Bureau politique, 34 comités de districts considérés comme
autant de nids d’ennemis du peuple. Sa fureur épuratrice sème une pagaille
indescriptible, que souligne Malenkov : « Personne au comité de
région ne savait exactement combien de comités de districts avaient été
dissous : d’abord ils ont dit 13, puis 20, quand on leur a dit qu’il y en
avait 30, ils se sont étonnés. Et maintenant on sait qu’il y en avait 34 [915] . » Le 29 novembre 1937,
Postychev demande à Staline l’autorisation d’arrêter le chef du NKVD de la
ville de Penza, coupable d’avoir déclaré : « Nous excluons beaucoup
de monde du Parti, les communistes tombent comme des mouches. Le camarade
Staline n’écrirait-il pas un second article sur le vertige du Comité central ? »
Staline fait d’une pierre deux coups. Il renvoie le message annoté « Pour
l’arrestation. Staline [916] ».
Mais en même temps le sort de Postychev, qui dresse ainsi le NKVD contre le
Comité central et son chef, est scellé.
L’avant-veille de la réunion du Comité central, Staline fait
dénoncer par le Bureau politique la dissolution des districts de la région de
Kouibychev comme « politiquement nocive » et « provocatrice » ;
il démet Postychev, sanctionné par un blâme sévère. Accusé en août de
libéralisme, Postychev se voit maintenant dénoncer pour excès de zèle. Il ne
comprend pas : « Parmi les dirigeants […], il ne s’est pratiquement
pas trouvé un honnête homme. Qu’est-ce qui vous étonne [917] ? » C’est
ce qu’il avait compris des précédents comités centraux : tous des traîtres !
Erreur : il en fait trop et persécute les honnêtes gens ! Staline l’accuse
de provocation : « C’est fusiller l’organisation dans le dos. Pour
eux-mêmes ils sont tendres et ils fusillent les organisations du district… C’est
soulever les masses du Parti contre le Comité central [918] . » Un jeune
loup, Ignatov, lancé à ses basques, se moque de son zèle à découvrir des croix
gammées imaginaires sur les couvertures de cahiers d’écoliers ou sur les boîtes
de bonbons. Postychev demande pardon. Staline le chasse du Bureau politique,
mais le laisse au Comité central. Ce n’est qu’un jeu pour le tenir en haleine.
Trois semaines plus tard, il l’accuse d’avoir dif fusé « des directives
provocatrices de sabotage » et manifesté « un soutien et une
confiance exceptionnels dans les ennemis du peuple [919] ».
Postychev est, par consultation écrite, exclu du Comité central, ainsi réduit à
27 membres, et arrêté le 22 février. Il languira un an en prison
avant d’être fusillé.
Sa disgrâce enchante les Ukrainiens. À l’époque
khrouchtchévienne, on essaiera de transformer ce satrape en opposant. Ainsi sa
biographie, publiée en 1965, invente une dernière conversation au cours de
laquelle Postychev aurait apostrophé Staline : « Pourquoi arrête-t-on
des communistes, des gens honnêtes qui n’ont pas épargné leur vie dans la
clandestinité, pendant les jours d’Octobre, sur les fronts de la guerre civile,
qui ont consacré leurs forces et leurs talents aux grands chantiers des plans
quinquennaux [920] ? »
Ces mêmes communistes que Postychev a emprisonnés par milliers.
Le troisième et dernier procès de Moscou, en mars 1938,
contre le « bloc des trotskystes et des droitiers », parachève la
purge du Parti. Staline élargit le spectre des victimes aux boukhariniens et à
de fidèles mais vieux staliniens (les commissaires du peuple Rosengoltz,
Tchernov et Grinko, les dirigeants ouzbeks Khodjaev, Ikramov, l’ancien chef du
NKVD Iagoda, etc.). Aux crimes classiques (assassinat de Kirov, attentats,
sabotage, espionnage, rétablissement du capitalisme), il ajoute deux nouveaux
forfaits : la provocation à la guerre contre l’Union soviétique et son
démembrement au profit des pays voisins. Vychinski accuse les docteurs Levine,
Kazakov et Pletnev d’avoir empoisonné Kouibychev, Menjinski et Gorki. La
panoplie des crimes et des criminels est désormais complète. Pour obtenir les
aveux soumis, selon la coutume, à Staline, les enquêteurs utilisent tous les
moyens. La doctoresse en chef de la prison de Lefortovo, Rosenblum, doit
remettre sur pied Krestinski dont le dos n’est plus qu’une plaie sanguinolente.
Pletnev se plaint, dans une supplique à Vorochilov, qu’on ait menacé de l’étrangler ;
Iejov promet
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