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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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peur.
Avant cela n’existait pas. Je constate un profond changement de la psychologie
des "gens" [933] . »
Le 25 avril 1938 : « Moscou manque de ravitaillement.
Rupture de livraison de beurre, de poisson, de gruau. La qualité du pain noir
se dégrade. Le hareng a disparu […]. Tout le monde parle de plus en plus de la
maladie ou du sabotage des dirigeants du NKVD [934] . » Le
mécontentement, général, vise la police politique, accusée de saboter une
gestion plus ou moins bonne, et non Staline, protégé par la rareté de ses
interventions publiques. Le chef du gouvernement, d’ailleurs, ce n’est pas lui,
c’est Molotov.
    Ce mécontentement revêt pour l’essentiel une forme passive
(retard ou absences au travail, grève « à à l’italienne », consistant
à être à son poste de travail sans rien faire, etc.). Cela amène le
gouvernement à promulguer le 28 décembre 1938 un décret sur la
discipline au travail, qui invite toutes les organisations de l’État à mettre
en place un régime sévère de sanctions contre tous ces « abus ».
Sergo Beria prétend : « Quand mon père fut promu en juillet 1938
le pays menaçait d’exploser […] ; des régions entières étaient proches du
soulèvement […] à l’intérieur tout se désintégrait [935] . » Le
propos est exagéré, mais le mécontentement populaire bien réel. C’est pourquoi
le NKVD traque impitoyablement les petits groupes d’opposants qui se forment
ici et là. Ainsi, le 27 avril 1938, le NKVD arrête le jeune physicien
Lev Davidovitch Landau, futur Prix Nobel, accusé d’avoir constitué depuis 1935
un parti ouvrier antifasciste à l’Institut technique de physique d’Ukraine. Le
tract, très violent, qui lui est imputé est sans doute authentique. Il dénonce
en effet la « trahison » de la révolution d’Octobre par « le
dictateur fasciste et sa clique [qui] a effectué un coup d’État fasciste. Le
pays est noyé sous des flots de sang et de boue. Des millions d’innocents sont
en prison […]. L’économie se désintègre. La famine s’annonce […]. Dans sa haine
furieuse du socialisme, Staline a égalé Hitler et Mussolini. En détruisant le
pays pour conserver son pouvoir, Staline le transforme en une proie facile pour
le fascisme allemand enragé ». Et il propose « d’engager une lutte
décisive contre le fascisme stalinien et hitlérien, une lutte pour le
socialisme [936]  ».
    La Terreur répond au mécontentement latent. Elle vise à l’empêcher
de s’exprimer et de se muer en opposition, en interdisant toute manifestation
collective et en intimidant l’appareil du Parti qui, ici ou là, traîne les
pieds. Le 19 avril 1937, par exemple, Soloviev note dans son Journal
sa conversation avec Nossov, le secrétaire du Parti d’Ivanovo, la ville du
textile, à 250 kilomètres de Moscou. Nossov vitupère « les
tracasseries qui viennent du centre ». Il rechigne à en exécuter les
ordres, notamment à valider l’arrestation de tous les anciens trotskystes, qu’il
considère comme de bons travailleurs. Nossov, accusé de les protéger, doute de
l’existence de tous ces ennemis après vingt ans de pouvoir soviétique. Et il s’interroge :
« Parfois des doutes s’insinuent en moi. Mais je ne peux pas ne pas croire
en la direction du Parti, en Staline. Ce serait un blasphème de ne pas croire
dans le Parti [937] . »
    Staline veut éliminer les Nossov réels et potentiels, nombreux
parmi les cadres du Parti. C’est le prolongement naturel de l’épuration engagée
depuis 1934 contre les « vieux cadres léninistes » indisciplinés et
gênants. Mais cela répond aussi à un double souci social, assez
contradictoire : d’un côté Staline ouvre la voie à la nouvelle couche
bureaucratique montante, de l’autre il veut la tenir en laisse, laisser planer
sur elle le doute et la menace, lui refuser une stabilité qui pourrait menacer
sa domination politique personnelle absolue. Il lui garantit son ascension
sociale tout en lui interdisant de la transformer en pouvoir politique. Le
menchevik Fiodor Dan l’avait pressenti au lendemain du troisième procès de
Moscou. Il prophétisait : « Staline sera réellement éloigné du
pouvoir […] par les jeunes staliniens, par tous ces cadres nouveaux dont il s’est
servi pour écraser les vieux bolcheviks [938] . »
Staline a prévenu ce danger en verrouillant l’appareil, en dressant les
héritiers potentiels les uns

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