Staline
l’ouverture, ses
exécuteurs, Andreiev et Chkiriatov, soutiennent Michakova qui accuse Kossarev
de tromper le Comité central du Parti et de défendre des ennemis du peuple.
Staline débarque le dernier jour, flanqué de Molotov, Malenkov,
Kaganovitch, Andreiev, Chkiriatov et Jdanov. Il s’est réservé la mise à mort à
coups de petites phrases ironiques. Un délégué, éperdu, bafouille que Kossarev
n’a pas dû comprendre ses erreurs. Staline le coupe, sarcastique : « Apparemment
tout le monde comprend, sauf le comité central des Jeunesses. Vous avez
compris, le précédent orateur a compris, Kossarev, lui, n’a pas compris. »
L’orateur reprend : « Kossarev n’a pas compris les résolutions du IV e plénum. »
Staline, perfide, suggère : « Peut-être les a-t-il comprises mais ne
veut-il pas les appliquer ? » L’orateur marmonne son accord et
insiste sur le grand nombre d’erreurs commises chez les Jeunesses. Staline,
rectifie : « Peut-être s’agit-il d’un système et pas d’erreurs à
proprement parler. » Le délégué bafouille que Kossarev a changé. Staline
renchérit : « Leur tactique change. La situation a changé et la
tactique a changé [943] . »
Jdanov porte le coup final : Kossarev et les secrétaires du comité central
des Jeunesses ont construit une organisation contre-révolutionnaire clandestine…
Staline a mobilisé toute sa garde rapprochée. Seul Iejov,
qui pressent sa disgrâce imminente et s’enivre à tout va depuis plusieurs
semaines, est absent. Staline fait exclure cinq secrétaires du comité central
des Jeunesses, dont Kossarev, remplacé par un jeune loup, Mikhailov,
nationaliste russe antisémite. 77 des 93 membres du Comité central sont
arrêtés dans les jours suivants, dont 48 seront fusillés. Sur l’ensemble des
membres élus au comité central des Jeunesses en 1936, 96 sur 128 sont
arrêtés, proportion identique à celle du Comité central du Parti. Ces jeunes
staliniens quadragénaires sont trop vieux : leur enfance plonge dans les
années de la révolution et de la guerre civile. Le successeur de Kossarev,
Mikhailov, tout juste né à la vie politique, est sûr.
Trois semaines plus tôt, le beau-frère de Staline, Pavel
Alliluiev, qui avait donné à sa soeur Nadejda le revolver avec lequel elle s’était
tuée, meurt dans d’étranges conditions : commissaire principal des unités
blindées depuis plusieurs années, il passe le mois d’octobre en vacances à
Sotchi, non loin de la villa de Staline, qui ne l’autorise pas à venir le voir.
Il rend visite au maréchal Blücher, en villégiature dans la région et promis à
une arrestation prochaine, puis rentre à Moscou le 1 er novembre.
Le lendemain soir, au téléphone, on annonce à sa mère la mort inexplicable et
inexpliquée de cet homme de quarante-quatre ans, en bonne santé, six ans,
presque jour pour jour, après le suicide de Nadejda Alliluieva.
Est-ce pour rompre avec les derniers souvenirs de famille
que Staline déménage alors à l’intérieur du Kremlin ? Il s’y installe dans
un appartement situé dans l’immeuble de l’ancien Sénat impérial, où Lénine a
vécu et travaillé de mars 1918 à décembre 1922, avec des pièces
attenantes pour les gardes et les réceptions, juste en dessous de son bureau.
Mais, comme il part, chaque soir, dîner et dormir à Kountsevo, il n’occupe
quasiment jamais cet appartement. Le déménagement n’a donc qu’une fonction symbolique :
il témoigne de son ascension.
Staline couronne la gigantesque purge politique des années 1936-1938
par la publication du Précis d’histoire du parti bolchevik, destiné à
remplacer tous les ouvrages et manuels antérieurs en fournissant, selon ses
mots, « une direction unique » aux jeunes générations. Il paraît d’abord
en feuilleton dans la Pravda, en septembre, puis en volume. Constamment
réédité jusqu’à la mort de Staline en 1953, il connaîtra, en 67 langues,
un tirage total de 43 millions d’exemplaires. Ce best-seller obligé est
présenté sur la couverture comme « rédigé par une commission du Comité
central du PC (b) de l’URSS et approuvé par le Comité central du PC (b) de l’URSS,
1938 », qui, bien que réduit à la portion congrue, n’a jamais été invité à
l’adopter, puisqu’il n’en discuta que le 14 novembre 1938, soit deux
mois après sa publication. La biographie officielle de 1948 affirme d’ailleurs :
« En
Weitere Kostenlose Bücher