Staline
prochaines de
l’Allemagne à Moscou dans le cadre d’un nouveau partage de la Pologne. Pour se
convaincre que la vie continue comme avant et que rien ne presse, Chamberlain,
malgré les protestations de Churchill, suspend les séances du Parlement
britannique, du 4 août au 3 octobre : deux mois de tranquillité
assurée. La délégation franco-britannique chargée, au début d’août, d’aller
négocier à Moscou une éventuelle alliance prend elle aussi tout son
temps : le cabinet de Londres, chargé de son transport, refuse de lui
fournir un avion – on ne saurait gaspiller le carburant de Sa Gracieuse
Majesté. La délégation embarque, le 5 août, sur le City of Exeter, vieux cargo d’une lenteur majestueuse. Elle arrive à Moscou six jours après. La
délégation britannique est dirigée par l’amiral sir Reginald
Plunkett-Ernle-Erle-Drax, dont les pouvoirs et les compétences semblent
inversement proportionnels à la longueur de son nom. Le flegmatique amiral a
oublié à Londres ses lettres de créance qu’il ne recevra que… le 21.
Le 11 août au soir, Staline réunit le Bureau politique
dans son bureau du Kremlin. À la fin de la réunion, vers onze heures, Molotov
convoque son adjoint Podtserob et lui dicte un télégramme à transmettre par
Astakhov, à Berlin, au gouvernement allemand. Le message est direct :
Staline propose d’engager au plus vite, à Moscou, des négociations sur un
accord commercial, puis sur la question polonaise. Staline a mandaté
Vorochilov, une fois les amabilités protocolaires passées, pour poser à la
délégation franco-britannique une seule et même question : en cas de
guerre, les forces soviétiques recevront-elles le droit de passer par un
couloir à travers la Pologne ? Staline sait qu’elle ne peut rien répondre.
Le gouvernement polonais, plus confiant en Berlin qu’en Moscou, oppose, en
effet, une fin de non-recevoir aux demandes de passage de l’Armée rouge, dont
il conteste, par ailleurs et non sans raison, la valeur militaire. Vorochilov
pose la question le 13, la pose à nouveau le 14 sans résultat.
Staline met à profit ces discussions pour faire pression sur
Berlin. Le 14 août, Ribbentrop télégraphie à Schulenburg de contacter
immédiatement Molotov, et, si possible, Staline en personne. Molotov reçoit l’ambassadeur,
le 15 août au soir, et demande si Berlin est prêt à signer un accord de
non-agression avec l’URSS, à user de son influence à Tokyo pour freiner les
ardeurs belliqueuses du Japon et à garantir l’intégrité des États baltes.
Hitler répond oui le 17. Ce même jour, Vorochilov, constatant l’absence de
réponse de la délégation franco-britannique à sa question, ajourne les
discussions jusqu’au 21.
Ribbentrop se dit prêt à se rendre à Moscou dès le 18.
Staline joue quelques heures la coquette. Mais, le 19 août, à deux heures,
Schulenburg, reçu par Molotov, l’informe que les relations germano-polonaises
se tendent chaque jour davantage. « À Berlin, on est pressé »,
ajoute-t-il. Le 19 août, l’Agence Havas, dans un étrange communiqué de
presse, fait état d’un discours du 17 août de Staline au Bureau politique.
La réunion et le discours devaient être tenus secrets, explique Havas. Or, le
fonds Staline, en effet, contient une version française de cette intervention,
sans indication précise de l’identité de son auteur. Une fois n’est pas
coutume, Staline y opposera quelques jours plus tard un démenti public qui aura
pour seul effet d’attirer l’attention sur lui. Cette version française a sans
doute été établie, sur ordre de Staline, pour être transmise à Havas avec des
garanties d’authenticité, mais ce document mélange le vrai et le faux. Staline
y affirme : si nous signons une alliance avec l’Angleterre et la France,
Hitler n’attaquera pas la Pologne ; si nous signons un traité avec l’Allemagne,
celle-ci attaquera la Pologne, l’Angleterre et la France entreront dans la
danse. Dès lors, « nous aurons de grandes chances de rester en dehors du
conflit et nous pourrons espérer entrer en guerre dans des conditions
avantageuses ». Le premier avantage de cette situation « sera l’anéantissement
de la Pologne jusqu’aux abords de Varsovie ». Il annonce d’importantes
concessions, en partie imaginaires, de l’Allemagne, qui laisserait les mains
libres à l’URSS dans les pays baltes, en Roumanie, en Bulgarie et en Hongrie.
Il examine
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