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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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Raison de plus », tranche Staline [989] . La discussion
est close.
    Nommé commissaire à la Marine en mars 1939, Nicolas
Kouznetsov ressent et supporte mal cet état de choses : « Staline n’aimait
plus les objections et n’écoutait même guère les spécialistes. Autour de lui s’était
formée une cour de lèche-bottes et d’adulateurs […] son avis ne suscitait
aucune objection, même chez ses plus proches collaborateurs […]. Nous, les
jeunes promus sur la vague de "la période inquiète" des années 1937-1938,
et qui, par inexpérience, nous efforcions "d’avoir notre propre
opinion", nous nous sommes vite convaincus que notre rôle était d’écouter
plus et de parler moins [990] . »
    Promoteur de la nouvelle aristocratie, Staline est le dieu
protecteur de la différenciation sociale. Rien ne le montre mieux que la
traduction salariale de la réforme militaire introduite en 1934. Cette réforme
a abouti à une augmentation moyenne, largement supérieure à l’inflation, de 284 %
de la solde des sous-officiers et officiers. Le détail des chiffres souligne
les différences hiérarchiques : 240 % pour un chef de section, 263 %
pour un commandant de compagnie, 254 % pour un commandant de bataillon, 300 %
pour un commandant de régiment, 337 % pour un commandant de division, et
364 % pour un commandant de corps d’armée. Le revers de ces augmentations
est l’insécurité qui plane sur ces cadres militaires, jamais certains de ne pas
se retrouver le lendemain en cellule ou au Goulag. Leur plaisir est ainsi plus
qu’à demi gâché, et Staline ne sera jamais assuré de leur fidélité.
    La promotion d’une nouvelle aristocratie se double d’une
législation antiouvrière brutale : Staline instaure, le 28 décembre 1938,
un nouveau livret de travail pour enregistrer et pérenniser les sanctions
contre les « fautes » de l’ouvrier. Un second décret, du même jour,
prévoit des sanctions sévères pour retards injustifiés et absentéisme au
travail. Une semaine plus tard, un autre décret assimile à un délit tout retard
de plus de vingt minutes, situation fréquente dans un pays aux transports
collectifs lamentables. Un décret du 26 juin 1940 annule les
dispositions du décret de 1927 sur la journée de sept heures et le repos
hebdomadaire, et rappelle les sanctions pour retards injustifiés ; la
durée de la journée de travail est portée à huit heures, la semaine de sept
jours proclamée, interdiction est faite à l’ouvrier de « quitter l’entreprise
de sa propre initiative ». Un décret du 10 août 1940, enfin,
punit l’absence injustifiée (dont le retard supérieur à vingt minutes), la
production de rebut et le chapardage sur le lieu de travail d’une peine de
prison ou de camp allant de un à trois ans.
    Quel est le bilan chiffré de la répression stalinienne, à la
veille de la guerre ? Le secret bureaucratique en a favorisé l’inflation.
L’enquête d’une commission du Comité central du PCUS en 1961 dresse le bilan
suivant : « En 1934, 68 415 individus ont été arrêtés ;
en 1935, 104 716 ; en 1936, 85 530. Un peu plus de 3 000
ont été fusillés. […]. En tout, en 1937-1938, 1 372 392 individus
ont été arrêtés, dont 681 692 ont été fusillés ». Parmi eux, plus de 110 000 membres
du Parti. « En tout, en 1939-1940, 121 033 individus ont été
arrêtés, dont 4 464 ont été fusillés [991] . »
Il faut ajouter à ces chiffres les millions de paysans morts de la « dékoulakisation »
et les centaines de milliers de détenus du Goulag, non condamnés à mort, mais
morts de faim, de froid, d’épuisement, de maladie. Les sept millions de morts
de la famine de 1932-1933 sont aussi victimes de la politique stalinienne.
    De 1929 à 1941, de la collectivisation forcée à la guerre,
le régime a vécu dans une tension permanente et ne se maintient que par la
Terreur permanente et généralisée, qu’il peut certes moduler, mais qui reste
indispensable à son maintien au pouvoir. Son équilibre instable ne repose
néanmoins pas sur elle seule. La paysannerie est, dans sa majorité, hostile au
régime ; la classe ouvrière, elle, a une attitude passive, critique, voire
hostile également à l’égard de la couche dirigeante. Cet antagonisme s’exprime
surtout dans la haine des ouvriers pour les stakhanovistes, les chefs de
brigade, les contremaîtres. L’arrivée d’Hitler au pouvoir a resserré les

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