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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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la veille : « Cela
aurait pu se terminer de façon tragique pour vous, et pas seulement pour vous
peut-être [1398] . »
    En juillet, les adversaires de Lyssenko, ignorant tout de
ces derniers développements, lancent une offensive contre lui. Cinq biologistes
écrivent à Malenkov pour dénoncer son incompétence ; le 16 juillet,
un académicien, lauréat du prix Staline, Konstantinov, dans une longue lettre
au Maréchal, accuse Lyssenko de freiner le développement de la génétique, de l’agriculture
soviétiques et de la sélection des semences, et demande son limogeage de la
présidence de l’Académie des sciences naturelles. Malheureusement, l’un des
principaux adversaires de Lyssenko, Jebrak, a, en 1945, publié un article dans
une revue scientifique américaine. Démarche naturelle en 1945, criminelle en
1948. Staline vient en effet, par Jdanov interposé, de promouvoir la théorie
des deux sciences, l’une prolétarienne et l’autre bourgeoise. Selon elle, le
monde étant divisé en deux camps en lutte sur les plans économique, militaire,
politique et idéologique, il existerait aussi deux sciences de nature
antagonique, exprimant des intérêts de classe différents, ceux du prolétariat d’une
part, et, d’autre part, ceux de la bourgeoisie où Staline relègue la
cybernétique, la psychanalyse et la génétique. Peu importe dès lors que Jebrak
ait raison contre Lyssenko. Staline prend le parti de ce dernier, le soutient,
l’encourage, le propulse.
    Le 23 juillet, Lyssenko lance par écrit un appel au
secours à Staline et Malenkov porte à celui-ci, calfeutré à Kountsevo depuis
six jours à la suite d’un malaise inexpliqué, sa lettre et son projet de
rapport inaugural à l’ouverture de la prochaine session annuelle de l’Académie
des sciences naturelles. Lyssenko sollicite modestement les « remarques »,
de Staline, qui corrige le rapport, en modifie (et même en réécrit) certains
passages, au point que l’on peut voir en lui le véritable coauteur du texte. Il
supprime toute la deuxième partie du projet de Lyssenko sur « les
fondements mensongers de la biologie bourgeoise », ajoute des paragraphes
entiers, parsème la marge d’annotations. Par exemple, en face de l’affirmation
orthodoxe de Lyssenko : « Toute science est une science de classe »,
il écrit : « Ah ! ah ! ah ! Et les mathématiques ?
Et le darwinisme ? » Il raille ainsi, pour lui-même, la division
entre sciences bourgeoises et prolétariennes qu’il impose alors à l’URSS et à
tous les partis communistes… Il n’y croit donc pas. Il ajoute un éloge des
disciples du biologiste français napoléonien Lamarck, partisans de l’hérédité
des caractères acquis et donc de la transformation progressive des êtres. Et il
accuse ceux qui affirment l’existence des gènes d’avoir « sombré dans la
mystique [1399]  ».
    Le 27 juillet au soir, il convoque Lyssenko et
Malenkov, explique au biologiste ses corrections et lui donne ses directives
sur la meilleure façon de présenter son rapport. Une heure plus tard, arrivent
dans son bureau Beria, Boulganine, Mikoian, Voznessenski et Kaganovitch, qui
discutent de cette importante affaire d’État. Staline invite alors Lyssenko à
préciser que son rapport a été examiné et approuvé par le Comité central, et le
31 juillet, fort de cette autorité, Lyssenko ouvre dans une atmosphère de
pogrome la séance de l’Académie des sciences naturelles. Sa victoire est dès
lors certaine. Cette séance est suivie d’une chasse meurtrière aux biologistes
et généticiens : 3 000 d’entre eux sont chassés, révoqués, licenciés,
certains emprisonnés et déportés. La biologie soviétique mettra une génération
à s’en relever. En France, la revue Europe consacre à l’événement un triomphal
numéro spécial (octobre 1948), préfacé par le polyvalent Aragon, qui voit,
sans rire, « matière à rêverie » dans cette réunion : « Jamais
dans aucun pays, à aucun moment de l’histoire humaine, une discussion
scientifique n’aura bénéficié d’une telle publicité. » Dans un bref moment
de lucidité, il ajoute : « Ces débats […] dépassent la biologie. »
Oui, car ils annoncent une chasse aux sorcières généralisée.
    L’Allemagne, la Yougoslavie et Lyssenko réunis ont contraint
Staline à différer ses vacances. C’est ainsi qu’il reçoit, le 2 août, puis
le 23, les trois ambassadeurs américain,

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