Staline
dirigeants mencheviks de la cité. Le 8 juin 1905,
le prince bolchevik Tsouloukidzé meurt à 29 ans, rongé par la tuberculose.
À ses funérailles, Koba dénonce, face à un auditoire indifférent, l’autocratie
et les perfides mencheviks.
Pour calmer la Géorgie, Saint-Pétersbourg nomme un nouveau
vice-roi, qui joue les libéraux et s’appuie sur les mencheviks. À Tiflis, pour
empêcher les massacres interethniques concoctés par son prédécesseur, il leur
fournit 500 fusils, dont une moitié hors d’usage, qu’ils lui rendent une
fois le danger passé. Puis il nomme gouverneur de la province de Koutaïs un
intellectuel marxiste libéral qui parcourt les campagnes en expliquant aux
paysans polis mais indifférents, citations de Marx à l’appui, que la Géorgie n’est
pas mûre pour le socialisme, avant d’être jeté en prison pour agitation
révolutionnaire six mois plus tard.
L’autocratie a besoin de l’armée pour rétablir l’ordre. Le 5 septembre,
Witte signe un traité de paix avec le Japon à Portsmouth aux États-Unis,
inquiets de l’expansionnisme japonais, et dont la pression offre à la Russie
une défaite à bon marché : elle ne paiera pas de réparations financières,
cède à Tokyo le sud de Sakhaline, que Staline récupérera en 1945, et reconnaît
le protectorat japonais sur la Corée. Mais ce succès diplomatique ne freine pas
l’agitation révolutionnaire. Dans la deuxième quinzaine de septembre, la grève
embrase une cinquantaine d’imprimeries de Moscou, puis de Saint-Pétersbourg,
bientôt rejointes, le 7 octobre, par les ouvriers des chemins de fer de
Moscou. Le 9 octobre, un congrès des cheminots de Saint-Pétersbourg adopte
une charte revendicative expédiée par télégraphe à toutes les lignes, exigeant
la journée de huit heures, les libertés civiques, l’amnistie des prisonniers
politiques, l’Assemblée constituante. Chaque jour, la grève gagne une nouvelle
ligne : le 13 Riga, le 15 Bakou, le 17 Odessa, puis Tiflis, Batoum.
Sur la vague des grèves, des soviets se créent dans 58 villes
ou banlieues ouvrières. Ces organismes démocratiques de masse, qui échappent au
contrôle du Parti, ne plaisent guère à Koba. Il en parle une seule fois en
1906, dans un bref hommage rendu aux soviets de Saint-Pétersbourg et de Moscou,
qui ont « lorsque c’était possible pris des mesures pour que l’offensive
révolutionnaire soit simultanée [122] ».
C’est bien peu. La Géorgie ne compte pas le moindre soviet, le Caucase un seul,
à Bakou. Alors que Trotsky préside le soviet de la capitale, Koba n’en a jamais
vu un fonctionner.
Depuis l’été, la Géorgie échappe au contrôle de l’administration
russe. La Gourie, région paysanne, arrière-pays de Batoum, a constitué un
gouvernement révolutionnaire autonome menchevik que l’armée dispersera au début
de 1906 en massacrant quelques centaines de paysans. Koba ne joue dans tous ces
événements qu’un rôle mineur. En juillet 1905 il intervient dans un
meeting à Tchiatouri, le 18 octobre il dénonce à Tiflis les promesses illusoires
du manifeste tsariste du 17. Il participe à la création d’éphémères journaux
bolcheviks, rédige le 19 octobre un appel à « tous les travailleurs »
qui clame : « A bas la Douma d’État ! Vive l’insurrection
armée ! Vive l’armée révolutionnaire ! Vive le gouvernement
provisoire révolutionnaire ! Vive l’Assemblée constituante
populaire ! Vive la République démocratique ! Vive le prolétariat [123] ! » La
panoplie est complète.
Le 17, le tsar publie un manifeste rédigé par Witte qui
promet la liberté d’expression, mais omet d’évoquer la liberté de la presse et
la censure, et l’élection d’une chambre, la Douma, au suffrage universel. Le 22
du même mois, il annonce une amnistie partielle de ceux qui « avant la
promulgation du Manifeste se sont rendus coupables d’actes criminels contre l’État ».
La décision est immédiatement suivie de pogromes inspirés, voire organisés, par
les autorités, sous la conduite des Centuries noires qui déferlent pendant une
semaine entière sur toute la Russie. Magasins pillés, femmes et fillettes
violées et éventrées, vieillards poignardés, enfants au crâne fracassé dans un
concert de braillements patriotiques et de cantiques enveloppés de vapeurs d’alcool,
tel est le spectacle qu’offrent, sous le regard indifférent ou complice des
cosaques,
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