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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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d’elle-même engendrer une conscience politique
socialiste, mais il n’en déduit pas pour autant que la lutte économique doit
être renvoyée aux lendemains de la chute du tsarisme.
    Les ouvriers ignorent les consignes bolcheviques. L’organisation
des Chendrikov lance, dans la nuit du 12 au 13 décembre, un ordre de grève
massivement suivi. Le comité bolchevik s’y rallie alors et constitue un comité
de grève, dirigé par l’agitateur Aliocha Djaparidzé et par Stopani, qui négocie
avec les patrons, obtient quelques résultats, et donne le 23 décembre l’ordre
de reprise du travail…, rejeté par la majorité des grévistes, insatisfaits. Les
patrons font de nouvelles concessions (la journée de travail de 9 heures
au lieu de 9 heures 30, un congé de maladie de 2 mois, aucune
discrimination salariale selon la nationalité). Dans ces conditions, le comité
de grève bolchevik considère qu’il est impossible de continuer la grève et
ordonne la reprise du travail dans un communiqué méprisant que l’on croirait
sorti de la plume d’apprentis bureaucrates : il ose même évoquer l’absence
de conscience et d’énergie de « la froide masse grise des ouvriers »
en grève depuis deux semaines puis, dans un gémissement d’impuissance,
affirme : « Nous ne sommes plus assez forts pour les retenir dans
leur lutte à l’intérieur des limites que nous, sociaux-démocrates, jugeons
acceptables et efficaces à l’heure actuelle. […] En annonçant que la grève est
terminée, nous donnons aux ouvriers la consigne de reprendre le travail le 28 décembre [116] . » La « froide
masse grise » aura l’audace de ne pas appliquer cette consigne.
    En les rassemblant tous ensemble par-delà leurs nationalités
et leurs croyances religieuses, la grève a en effet donné aux déshérités des
derricks un sentiment nouveau de puissance qui les exalte ; les Chendrikov
les persuadent donc sans peine de ne pas reprendre le travail et d’incendier
quelques dizaines de puits. Les patrons, effrayés, reculent et signent le 30 décembre
la première convention collective de l’histoire de la Russie. Ils s’engagent à
payer intégralement les journées de grève, à ne sanctionner aucun gréviste, à
fournir eau et électricité gratuitement aux ouvriers, à payer la moitié du
salaire à tout travailleur malade pendant trois mois.
    Selon Arkadi Vaksberg, les frères Chendrikov étaient des
auxiliaires de police et leur Union des ouvriers de Bakou visait, avec l’accord
tacite des autorités, à détourner ses membres de l’action politique [117] . Si l’accusation
est vraie, l’échec du syndicalisme policier est éclatant puisqu’il a uni, à
Bakou, revendications corporatives et politiques, débouché sur la grève
générale et… la première convention collective de l’Empire. En 1906, Léon
Chendrikov, accusé devant un tribunal du parti social-démocrate d’avoir gardé
pour lui des fonds extorqués aux patrons, sera défendu par un jeune juriste
menchevik promis à un brillant avenir, Andreï Vychinski, mais jugé coupable.
Vychinski sera meilleur plus tard en procureur qu’en avocat…
    Koba est-il responsable de l’attitude brutale du comité
bolchevik ? En fait, il ne se trouvait pas à Bakou en décembre 1904,
mais à Gori ou à Tiflis. Son nom ne figure dans aucun document de l’époque ni
dans les souvenirs des membres du comité de grève, publiés à Bakou en 1923,
soit un an après la nomination de Staline au poste de Secrétaire général. Aucun
texte du comité bolchevik n’est reproduit dans ses Œuvres complètes. Il
n’est effectivement arrivé à Bakou qu’en janvier 1905. Sa « biographie
autorisée », rédigée par son secrétaire personnel et publiée en 1927 dans
l’Encyclopédie Granat, ne dit mot de la grève de décembre 1904. Mais en
1946, il pourrait sans risque s’en attribuer la direction posthume.
    Le Proletariatis Brzdola du 1 er  janvier 1905
publie un long article de Koba, absolument muet sur cette grève dont les échos
résonnent pourtant dans tout le Caucase. Il y disserte sur la formulation
léniniste de l’article 1 des statuts du POSDR. Au lendemain même d’un
gigantesque mouvement de masse où les ouvriers ont montré leur force et leur
détermination, il ne parle que du « comité du parti » et définit une
conception très étroite et fermée du parti d’avant-garde : une « forteresse
dont les portes ne

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