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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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tableau de l’armée en 1915 préfigure l’échec
du Gouvernement provisoire qui, après février 1917, s’acharnera à
poursuivre la guerre.
    Staline, submergé par les problèmes financiers et rongé d’ennui,
semble loin de ces problèmes. Le 25 novembre 1915, de Koureika, il
écrit une lettre mélancolique à la femme de Serge Alliluiev, son logeur de
Saint-Pétersbourg. Il lui déclare sa « reconnaissance pour ses bons et
purs sentiments » et ses attentions, puis lui demande de ne plus dépenser
de l’argent pour lui, mais de lui envoyer « de temps en temps une carte
postale avec des scènes de nature et autres. Dans cette maudite région, la
nature est d’une pauvreté qui confine à l’horreur : en été le fleuve, en
hiver la neige, c’est tout ce que la nature offre ici, et j’ai une nostalgie
stupide de scènes de nature, ne serait-ce que sur le papier ». Il conclut
néanmoins sur une note d’optimisme : « Je me sens bien. Je suis en
pleine santé. Apparemment, je me suis habitué à la nature d’ici. Et pourtant
elle est sévère : il y a trois semaines, le thermomètre est tombé à –45 [199] . »
    La plupart du temps, Staline se terre, chasse, et surtout
pêche en solitaire. Il s’attache, dira-t-il, l’estime des habitants du hameau,
habitués à rester plantés devant le même endroit de la Koureika, alors que lui
se déplace pour trouver le coin le plus poissonneux. Il reste à l’écart de ses
camarades et s’installe avec une villageoise dont il aura un fils qu’il ne
reverra jamais. Son voisin d’exil, Choumiatski, qu’il placera plus tard à la tête
du cinéma soviétique avant de le faire fusiller, souligne sa volonté de rester
à l’écart : « Occupé à pêcher et à chasser, il se replia sur lui-même
[…] il vécut dans une solitude complète […]. Il n’avait pratiquement besoin de
voir personne […]. Il se montra avare de remarques lorsqu’il lui arriva d’assister
à des réunions organisées par des exilés [200] . »
Bien que membre du Comité central, il participe rarement aux réunions
politiques organisées par ses pairs et, quand il y assiste, il reste muet. Dans
le silence de Koureika, torride ou glacé selon les saisons, les échos du monde
extérieur ne lui parviennent qu’assourdis et tardifs. Il vit ainsi près de
trois ans et demi dans une somnolence passive. Un jour, un exilé lui passe un
manuel d’espéranto. Il en reprend pendant quelques semaines l’étude commencée
jadis en prison, puis l’abandonne. Il dévore, en russe, la classique Histoire
politique de la Révolution française d’Alphonse Aulard que Sverdlov lui a
prêtée. Il lit et annote, dit-on, le Prince de Machiavel.
    De temps en temps, il s’en va voir à Monastyrskoie, à
quelques centaines de kilomètres de là, son ami Souren Spandarian, élu au
Comité central du parti bolchevik en 1912, comme lui membre de son bureau russe
puis arrêté et exilé en 1913. Fin février 1915, Spandarian rédige pour
Lénine trois lignes annonçant la visite de « Joseph », qui ajoute un
bref mot : « Je vis comme avant, je mâche mon pain [autrement dit je
mène une existence paisible et monotone], j’ai tiré la moitié de ma peine. On s’ennuie
plutôt ici, mais il n’y a rien à faire. […] Chez vous ça doit être un peu plus
gai. » Il raille les socialistes chauvins, Guesde, Sembat et Vandervelde, « et
leurs glorieux – ah ! ah ! – postes de ministres », l’anarchiste
patriote Kropotkine, « vieil imbécile devenu complètement gâteux »,
et Plekhanov, « une vieille pipelette, une bonne femme incorrigible [ sic ! ] ».
Il voudrait bien, de loin, « rosser les liquidateurs » et souhaite la
publication prochaine d’un « organe où on leur fouettera le visage comme il
convient et sans se lasser [201]  ».
    Pendant l’été 1916, la tuberculose emporte Spandarian à
l’âge de 34 ans. Koba, désormais seul, fréquente quelques paysans avec
qui, de temps à autre, il assèche une bouteille de vodka. En janvier 1947,
il répondra à la lettre de l’un d’eux lui demandant de l’aide : « Je
ne vous ai pas encore oublié, vous et les amis de Touroukhansk [202]  », et sur
son traitement de député au Soviet suprême il lui enverra 6 000 roubles.
De loin, Lénine s’intéresse à lui. En juillet 1915, il demande à
Zinoviev : « Ne vous rappelez-vous pas le nom de famille de Koba [203]  ? » En
novembre, il

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