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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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Kamenev, exilé en 1914 au procès des députés bolcheviks. Ce
dernier y est installé avec sa femme, Olga, la sœur cadette de Trotsky. Plus
tard, il les fera fusiller tous les deux. En attendant, il passe ses soirées
chez eux à fumer sa pipe, bourrée, selon le témoin Baikalov, d’un gros tabac
fort à tuer les mouches et les chevaux, la makhorka, le tabac du moujik.
Baikalov évoque, avec une antipathie manifeste, ce « visage ravagé de
petite vérole, le front bas, surmonté d’épais cheveux ébouriffés, la bouche
fermée d’une moustache sale. Ses petits yeux brun sombre, rapporte-t-il,
presque noirs, regardaient alentour, avec une expression maussade sous des
sourcils épais [210]  ».
Il souligne la pauvreté de son vocabulaire, son fort accent géorgien, son
hésitation à choisir le mot russe juste. Lorsque Kamenev l’interrompt, parfois,
d’une phrase ironique, Staline se renfrogne en tirant rageusement sur sa pipe.
S’il est certain que Kamenev manifeste autant d’aisance dans le discours que
Staline a l’élocution lente et embarrassée, ce témoignage est néanmoins trop
manifestement hostile pour être pris au pied de la lettre.
    Staline est à la veille d’entrer dans l’histoire. Il n’en
sait rien, pas plus que Lénine qui, lors d’une conférence à Zurich, le 9 janvier 1917,
annonce, certes, que « l’Europe est grosse d’une révolution », mais
en prévoit l’accouchement dans un futur lointain : « Nous, les vieux,
nous ne verrons peut-être pas les luttes décisives de la révolution imminente [211] . » Six
semaines plus tard, le tsarisme s’effondre.

CHAPITRE VII
À l’ombre de la révolution
    Le 30 décembre 1916, les ouvriers du textile d’Ivanovo-Voznessensk
se mettent en grève contre la hausse des prix. La tension monte dans de
nombreuses entreprises de Moscou et de Petrograd. Mais les organisations
révolutionnaires, dont la plupart des militants ont été mobilisés ou arrêtés,
sont paralysées. La région militaire spéciale de Petrograd créée le 5 février
dispose d’une garnison de plus de 150 000 hommes. L’hiver 1916-1917
est très froid : au début du mois, le thermomètre descend à –27° à
Petrograd et jusqu’à –30° à Moscou, d’immenses congères sur les voies ferrées
bloquent les trains pendant de longues heures, faute de personnel pour les
déblayer : la mobilisation a vidé des régions entières d’hommes adultes.
    Tandis que l’entourage du tsar et la Douma ébauchent à
reculons de timides complots, vite ébruités, pour sauver la monarchie en
remplaçant Nicolas II par un prince, la paralysie croissante des
transports aggrave la crise économique et les difficultés du
ravitaillement : le charbon s’entasse sur le carreau des mines du Donbass
pendant que les usines de Petrograd, manquant de combustible, travaillent au
ralenti ou s’arrêtent. Le gouvernement impose un contingent de livraisons
obligatoires à prix fixe aux paysans qui, pour répondre à la dépréciation
galopante du papier-monnaie, stockent et dissimulent leur blé comme ils le
referont vingt fois au cours des années à venir. La faim menace les villes. Au
début de janvier 1917, Petrograd et Moscou ont une semaine de réserves de
vivres ; la rupture d’approvisionnement qui menace transforme alors une manifestation
d’ouvrières en révolution.
    Le 23 février, lors de la journée internationale des
femmes, des ouvrières du textile de Vyborg, quartier nord de Petrograd,
irritées par les files d’attente chaque jour plus longues devant les
boulangeries, débraient et manifestent aux cris de « À bas la
guerre ! », « Du pain ! », et font le tour des usines
voisines en réclamant la solidarité des ouvriers. La grève s’étend aux usines
de la métallurgie et devient générale le 25 sans qu’aucune organisation en
ait lancé le mot d’ordre. La troupe et les cosaques hésitent. Des régiments
fraternisent avec les manifestants que les policiers installés sur les toits
mitraillent avant de les pourchasser dans les rues. Dans la nuit du 26 au 27,
la grève se transforme en insurrection. Le régime s’effondre.
    Le 27 février, une cinquantaine de délégués d’usines et
de régiments et de représentants des socialistes-révolutionnaires, des
mencheviks et des bolcheviks, constituent, dans une atmosphère enfiévrée, le
soviet des délégués ouvriers et soldats de Petrograd. Le 2 mars, deux
députés

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