Staline
soldats et dressent les paysans contre lui.
Le 21 septembre, le soviet de Petrograd convoque par
radio un congrès national des soviets pour le 20 octobre. Les élections ou
réélections généralisées aux soviets en disent long sur le rejet de la
politique du Gouvernement provisoire. Le vote des bolcheviks prend en effet l’allure
d’une avalanche : à Petrograd, ils acquièrent la majorité absolue dès septembre ;
ils la frôlent à Moscou, obtiennent 60 % des délégués à Saratov, les deux
tiers à Syzran, à Tsaritsyne, à Tver, les trois quarts à Ekaterinbourg et
Kostroma, 90 % à Kalouga, et 100 % des délégués d’Ivanovo-Voznessensk.
Ils obtiennent également la majorité dans les soviets de Vyborg, Petergof,
Helsingfors, Blagouch, Lefortovo, Basman, Kinechemsk, Sokolniki,
Zamoskvoretchie, Briansk, Insk, etc. Même la petite bourgeoisie penche vers eux :
le 25 septembre, aux élections à la douma municipale de Moscou, les
bolcheviks obtiennent 51 % des voix, les menchéviks 4 % seulement ;
ils ont la majorité absolue dans 11 arrondissements sur 17. Marc
Ferro souligne : « Avant septembre, l’avant-garde des masses était
plus bolchevique que les bolcheviks. Après septembre, ce sont les masses qui
sont plus bolcheviques que l’avant-garde [251] . »
Le 23 septembre, la session du préparlement s’ouvre
solennellement ; le même jour, le soviet de Petrograd porte Trotsky à sa
présidence. Le Comité central délibère sur la participation à ce préparlement :
les partisans d’un parti bolchevik d’opposition au sein de la « démocratie »
sont pour, les partisans de l’insurrection, contre. Le Comité central vote le
boycott par 9 voix (dont celles de Staline et Trotsky) contre 8. Les
minoritaires, jugeant la majorité trop étroite, exigent la convocation d’une
conférence de cadres élargie qui, à une large majorité, repousse le boycott.
Les bolcheviks assistent donc au préparlement où les discours creux succèdent
aux harangues pompeuses. Lénine harcèle le Comité central, réticent, voire
rétif, d’appels de plus en plus pressants. Le 1 er octobre, il
écrit : « En Allemagne, il est évident que la révolution est en
marche […]. Les bolcheviks doivent prendre le pouvoir immédiatement. Ce
faisant, ils sauvent la révolution mondiale. […] Temporiser est un crime envers
la révolution […] la vague d’anarchie actuelle peut devenir plus forte que nous [252] . » La
semaine suivante, il insiste : « Le succès de la révolution russe et
de la révolution mondiale dépend de deux ou trois jours de lutte [253] . » Le
Comité central reste sourd.
Pour vaincre les résistances, il sort de sa cachette. Au
Comité central du 10 octobre, il fait voter, par 10 voix contre 2
(Zinoviev et Kamenev), la décision de préparer l’insurrection, après une
discussion acharnée. Après ce vote, Dzerjinski propose, pour dégager un
compromis, de « former pour la direction politique dans les jours à venir
un Bureau politique constitué de [7] membres du Comité central [254] ». Kamenev
et Zinoviev, opposés à l’insurrection, donnent leur accord. Staline modifiera
de sa main en 1924 le procès-verbal, remplaçant « pour la direction
politique dans les jours à venir » par la formule « pour la direction
politique de l’insurrection [255] »,
une insurrection ainsi curieusement assumée, de façon imaginaire, par deux
adversaires qui lui sont si ouvertement hostiles qu’ils la dénoncent dès le
lendemain dans une longue lettre aux principales organisations bolcheviques. Ce
Bureau politique fantôme ne se réunit jamais. Et le faux attribue à Staline une
place dans la direction politique de l’insurrection aussi mythique que ce
premier Bureau politique. Le Comité central crée enfin, à côté du Comité
militaire révolutionnaire du soviet, un Centre militaire révolutionnaire, dont
Staline est membre et qui ne se réunira jamais, lui non plus, mais auquel ses
hagiographes attribueront un rôle décisif dans l’insurrection.
Les grèves embrasent tous les secteurs les uns après les
autres. Le 14 octobre, le journal de Gorki, Novaia Jizn, annonce
une catastrophe alimentaire imminente : Petrograd a besoin de 48 000 pouds
(un poud = 16,8 kilos) de blé par jour. Le 11 octobre, elle
en a reçu 18 000, le 12, 12 000, le 13, 4 000. La famine menace.
Deux jours plus tard, le ministre du Ravitaillement considère que
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