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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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qui raconte l’histoire d’une colombe, la troisième que Noé envoya hors de l’arche, et qui fut condamnée à voler sans repos jusqu’à la fin de la tempête. Elle paraîtra à Vienne, l’année suivante. La censure n’a sanctionné ni l’un ni l’autre texte, et Zweig en dépit des idées qu’il exprime, à contre-courant de la politique impériale et du devoir patriotique, n’est pas inquiété. Etonnante image de ce soldat en uniforme, le sabre au ceinturon, qui, rentré chez lui tous les soirs, rédige des pamphlets contre la guerre et des appels à la paix ! Son drame, tout intérieur, est affaire d’âme. Il réside dans la contradiction entre sa vérité et ses obligations, entre ce qu’il croit et ce qu’il doit. La vie lui est sans cesse une occasion de déchirure.
     
    L’été 1916, Zweig achève Jérémie sur cette réplique d’un Chaldéen, face au soleil qui se lève sur Jérusalem : « On ne peut pas vaincre l’invisible ! On peut tuer les hommes mais pas le dieu qui est en eux. On peut soumettre un peuple, mais non pas son esprit. » Pessimiste pour lui-même, il s’élève à un message d’espoir et, alors qu’il n’a écrit que pour fuir le monde et ses absurdes engagements, alors qu’il se croyait seul, infiniment seul, sa pièce, qu’il fait imprimer, connaît un grand succès. Avec ses neuf tableaux, ses douze personnages principaux, sa kyrielle de figurants, son chœur, il la dit « injouable », il la destinait à quelques happy few , lecteurs avides comme lui d’humaine et consolante littérature. Mais ce qu’il ne soupçonnait pas se produit et le réjouit comme une fête : son livre se vend à vingt mille exemplaires, en quelques jours, à Vienne ! Il n’était donc pas seul ! On aime Jérémie, ce pacificateur, cet annonciateur des orages, ce grand conseiller des peuples en péril. On a compris son message, on a peut-être comme Baruch, le jeune homme, disciple de Jérémie, partagé ses affres, ses dilemmes, sa tristesse. Et espéré comme lui que le soleil un jour se lèverait sur l’Autriche en deuil. Affectueusement dédiée à Friderike, près de laquelle il a trouvé douceur et compréhension, la pièce lui portera bonheur. Une fois n’est pas coutume, le théâtre avec lequel il a funestement commencé sa carrière et qu’il ne poursuivra guère par la suite, lui est propice, et lui permet de s’évader du vieil empire en armes.
     
    Le directeur du Stadttheater de Zurich, le théâtre municipal, lui écrit, enthousiaste, qu’il veut porter Jérémie à la scène le plus vite possible, afin d’illustrer les forces de la paix. Il l’invite à venir le rencontrer en Suisse, à Zurich précisément, car il souhaite effectuer ici ou là dans la pièce, s’il est d’accord, à des fins uniquement scéniques, quelques coupures. Zweig, ébahi, et sûr qu’à Vienne, on lui refusera l’autorisation de se rendre en pays neutre, se présente au culot, devant son supérieur hiérarchique aux archives de guerre – un certain colonel Veltze – pour lui faire part de cette invitation. C’est à l’automne 1917. L’Autriche a perdu bien des batailles et bien des illusions. Que Zweig remplisse donc son devoir, lui répond le colonel Veltze ; qu’il se rende en Suisse, et fasse entendre au monde, hors de ce pays qui s’apprête à mourir, l’écho de ceux qui espèrent en sa survie. Qu’il fasse comprendre que tous ses compatriotes ne sont pas hostiles à la fin des combats. Veltze est-il un des nostalgiques de la paix de Lammasch ? Ou bien la guerre aurait-elle enfin pris un tournant décisif, se demande Zweig, pour que des officiers n’aient plus peur des prophètes ni de leurs bannières aux colombes blanches ? Quoi qu’il en soit, le colonel l’exempte de service pour deux mois et le charge, en digne représentant du service de presse du ministère des Affaires étrangères, de faire une tournée de conférences à Zurich, Berne, Bâle et Lucerne.
     
    Voici donc Zweig en permission. Cela fait plus de trois ans – un record dans sa vie – qu’il n’a pas quitté l’Autriche. Friderike von Winternitz, sa compagne et son amie, à laquelle il vient d’offrir un exemplaire de Jérémie , relié en maroquin rouge, avec ces mots : « En préambule, reconnaissant, j’écris ton nom », pourra l’accompagner. L’Union des femmes autrichiennes l’envoie en tant que déléguée pour qu’elle prononce elle aussi des conférences

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