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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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en Suisse sur l’aide qu’il conviendrait d’apporter aux réfugiés polonais. Ils passent ensemble la frontière par le train d’Innsbruck, à Buchs – « on se croirait au temps des diligences », écrit Zweig, désolé par la lenteur du convoi –, le 13 novembre 1917.
     

    Un pacifiste à Zurich
     
    A deux pas de Vienne en guerre, un autre monde l’accueille au sortir de la gare de Zurich. A peine ses valises déposées à l’hôtel de l’Epée, un correspondant de la Neue Freie Presse vient le chercher pour lui faire visiter la ville. Il se rend aussitôt à l’exposition des Impressionnistes, puis au café Odéon, où Lénine avait sa table et où palabrent autour d’une tasse de vrai café, des intellectuels dissidents et des révolutionnaires. « Zurich est un tourbillon », écrit-il, comblé de replonger dans une atmosphère dont il avait perdu le goût. Le soir le verra au théâtre, et les jours suivants au café, puis chez les uns et les autres en passant par une boutique de livres anciens, une bibliothèque, un cercle de lecture. Il réapprend la vie.
     
    A Zurich, il connaît tout le monde. Les écrivains autrichiens, comme Albert Ehrenstein, l’auteur du poème Aux frères assassinés , qui fut son collègue aux archives de guerre, ou Alfred Hermann Fried, prix Nobel avant guerre ; les Suisses de langue allemande, Paul Ilg, Robert Faesi ou Carl Spitteler, un autre prix Nobel, et les Allemands qui forment la colonie la plus nombreuse en exil, Frank Wedekind, l’auteur de Lulu , dont il assiste ce premier soir à la représentation d’une nouvelle pièce, Fritz von Unruh qui se remet péniblement des graves blessures essuyées à Verdun et prépare l’édition de son journal de guerre, Oskar Fried, Hermann Kaeser-Kesser, Ludwig Rudiner, ou Leonhard Frank, qui lit à Zweig des passages de son manuscrit, L’homme est bon . Il passe des heures à discuter avec eux, lui l’amateur de silence et de repliement. Comme s’il se défaisait de toutes ses années d’incompréhension et de misère morale. Mais il éprouve un trouble à se griser de mots, conscient de leur peu de poids sur la tragédie toute proche, autour de la Suisse – ce « clocher de l’Europe vers lequel monte une mer de sang », ainsi qu’il l’appelle, le cœur serré. « Ni le chocolat ni les bottes en cuir ne m’empêcheront de sentir ce pays comme une épreuve. » La prodigalité suisse, nourritures terrestres et spirituelles, ne suffit pas à le rasséréner. Agacé par le fanatisme politique et l’esprit de propagande de la plupart des « inflexibles du café Odéon », il ne trouve aucun ami parmi les intellectuels de Zurich, hormis peut-être Fritz von Unruh, l’auteur du Sacrifice , récit de la sinistre bataille de Verdun, qui est le seul à penser comme lui que « la vie est l’essentiel, le bien unique et suprême, et que l’unique et suprême péché contre l’esprit est d’y attenter ». A force de refuser de parler politique et de réclamer la neutralité de l’art, il se fera même nombre d’adversaires au sein de la communauté bolchevique. Il n’est pas venu en Suisse pour s’y dessécher en réunions de café. Aussi, en quête de pureté et d’approfondissement, le 23 novembre il part pour Berne y rencontrer celui qu’il n’a cessé d’admirer et qui, avec Romain Rolland, lui a été un phare dans la nuit : son compatriote et ami allemand, Hermann Hesse.
     
    Dans la vieille ferme qu’il habite à une heure de la ville, « deux minutes suffisent pour que nous nous retrouvions ». Ils ont une longue conversation comme s’ils n’avaient jamais cessé de se voir, et tombent d’accord sur tous les sujets. Sur la guerre et l’engagement politique en particulier, sur leurs amis, sur l’attitude des écrivains face aux événements, sur l’art contemporain – Hesse, pour se consoler du néant, s’est mis à la peinture et offre à Zweig une aquarelle. Ils tombent d’accord même sur leurs silences, et quand ils ne parlent pas, leurs rêves se rejoignent. Hesse a beau s’exprimer en allemand avec l’accent suisse, pour Zweig, c’est le premier instant de communion fraternelle depuis 1914.
     
    Le lendemain, son pèlerinage le conduit à Villeneuve, au bord du lac Léman, où vit Romain Rolland. Il descend à l’hôtel Byron, du nom de ce grand poète de l’Europe, et ne se fait pas annoncer, il veut revoir Rolland par hasard, comme dans un élan naturel.

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