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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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petites séparations ».
     
    En Suisse, dans les limites de ce pays minuscule qui est une fourmilière d’hommes et d’idées, Zweig redevient un nomade. Il ne reste jamais longtemps à l’hôtel Belvoir, sillonne la Suisse comme jadis l’Europe, passant d’un canton à l’autre avec une frénésie dont il a été privé trop longtemps. Il ne se pose que pour achever un manuscrit. Entre deux trains, entre deux valises, il a besoin du mouvement et du changement pour vivre. Déployant son énergie pour soutenir ce qu’il appelle « le grand combat pour la grande paix, chacun à sa manière, mais en fin de compte chacun pour l’autre », il prend des accents d’apôtre pour convaincre les foules, fût-ce à l’échelle suisse du vrai sens de la paix.
     
    En mars 1918, le traité de Brest-Litovsk lève les dernières incertitudes : l’Allemagne règle le sort futur de l’Autriche en proclamant l’Anschluss. La Russie, où la Révolution s’est déclarée, se retire de la guerre, libérant heureusement le front autrichien. L’empire, menacé d’un côté d’éclatement par la volonté de scission de ses provinces slaves, de l’autre d’annexion, n’en réclame que plus vivement la paix, mais « l’Allemagne s’entête dans les hostilités », rendant toute issue impossible. L’été 1918, quelques mois après la polémique qu’a déjà suscitée Jérémie , qui parle ouvertement en faveur des vaincus, Zweig publie un article qui s’intitule « Hommage au défaitisme ». Il y condamne le patriotisme et la volonté héroïque, défend le défaitisme, position extrême de l’humanisme en temps de guerre, contre les accusations de lâcheté ou d’égoïsme qui lui sont portées. Pour que l’éloge soit encore plus clair et vigoureux, il a choisi la revue Friedenswarte (Poste de garde pour la paix), qui mène depuis l’aube du siècle un combat en faveur du drapeau blanc. Pour Zweig, l’homme vaincu est plus homme que l’homme vainqueur. Une défaite, librement assumée, est plus belle que la rage de vaincre. « Nous sommes des amis du renoncement », a-t-il écrit.
     
    L’article ne lui vaut pas que des louanges. Même Romain Rolland, agacé par ce « pseudo-bouddhisme », note sa réprobation dans son journal : « Je dis à la force qui nous écrase : Vous ne vaincrez pas l’esprit, mais l’esprit vous vaincra. ». L’« Hommage au défaitisme » de Zweig trouve cependant un curieux écho en Autriche. Le 17 septembre, Vienne fait une offre de paix à l’Entente, qui la lui refuse. Dès lors, et jusqu’au terme de la débâcle, Zweig va vivre en plein accord avec son pays. Alors qu’il se voulait indifférent à l’issue des combats, maintenant que l’Autriche accepte sa défaite, chaque étape le tourmente, chaque bataille lui paraît être la dernière que sa patrie aura à supporter. L’année 1918 est lourde de menaces et de bouleversements, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Les hommes continuent de mourir. Zweig craint les conséquences du dénouement qu’il espère et analyse, plein d’inquiétude, les manœuvres de ceux qui veulent effacer son pays de la carte. Il redoute plus que tout la voix « braillarde » des pangermanistes : « Si la partie germanique de l’Autriche était intégrée à l’empire allemand et s’isolait des autres Etats, écrit-il le 3 novembre, date à laquelle l’Autriche demande l’armistice, les conséquences en seraient incalculables, elle serait coupée de toute ressource, Vienne avec la masse absurde de ses deux millions et demi d’habitants, serait excentrée aux confins de l’empire comme une tête d’hydrocéphale, et puis l’appauvrissement inexorable, le déclin sans retour. » Trieste prise par les Italiens, le feu roulant des nouvelles le soumet à un sentiment de « confusion nerveuse ». Il guette le journal, en proie aux pires angoisses. Jamais à aucun moment, il ne s’est senti si totalement autrichien. L’armistice conclu le laissera pessimiste, désabusé, hanté par le cauchemar de l’injustice. La paix qu’on impose à l’Autriche est à ses yeux ignominieuse. Il n’écrit plus pendant des mois, ne songe qu’à rentrer à la maison, du moins ce qu’il en reste, dans un pays qui ne se ressemble plus. Charles I er a abdiqué, la république est proclamée, le vieil empire a explosé, cédant la place à cet Etat hydrocéphale qui lui inspire, lésé, saigné

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