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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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à blanc, le plus profond sentiment de pitié. « La guerre s’est vengée de ceux qui l’ont voulue… L’univers tombe en ruine. » A l’heure de la défaite, il rallie sans hésiter ce camp des vaincus dont il se revendique. Pour lui, les lendemains sont sûrs : « Vision des bouleversements à venir où la haine des classes, des couches sociales, envahira le monde de sa masse gigantesque. »
     
    Le train qui le ramène avec Friderike, Alix et Suse, de Zurich à Salzbourg, à la fin du mois de mars 1919, croise celui qui emporte l’empereur avec l’impératrice Zita et leur famille vers l’exil. Zweig, qui ne regrette pas la monarchie, mais demeure nostalgique du monde d’hier, rentre en Autriche amer et fatigué, à bout dit-il, avec un sentiment de mauvais augure que Jérémie n’aurait pas approuvé : « On ne peut pas vaincre l’invisible ! » L’exhortation du Chaldéen sur les ruines de Jérusalem semble n’avoir aucun écho dans son cœur, au moment de passer la frontière. Après tant d’années perdues, dira-t-il, il se raccroche à un nouveau courage. « Il est trop tard pour les regrets, il faut travailler davantage. »
     

T’appartient-elle vraiment, appartient-elle au plus essentiel de ton être, cette existence privilégiée, tout assurée en soi ?

IV
     
    La gloire douloureuse
     

    La maison enchantée de Salzbourg
     
    Le voici enfin chez lui. Après des années d’agitation, d’inquiétude et de guerre, il a trouvé son havre : une vieille petite ville autrichienne, où naquit Mozart, à la frontière allemande. Construite sur une antique cité romaine, résidence d’archevêques-soldats, détruite au xii e  siècle par des partisans de Frédéric Barberousse, et depuis tranquille et morne, Salzbourg, avec ses belles maisons du bord de la Salzach, ses innombrables églises, ses ruelles médiévales et sa cathédrale au dôme vert, est un refuge en dehors du monde, semblant dormir au creux des montagnes qui l’enserrent comme un écrin, le Gaisberg et l’Untersberg. Zweig rêvait de la paix pour le monde : il va la découvrir pour lui-même et les siens dans cette marche de l’ex-empire, que fréquentent de rares amateurs d’air pur et de paysages.
     
    Il y a choisi sa maison. Elle l’a séduit au premier coup d’œil. Elle a les proportions d’un petit palais, et quoique dans un piètre état, sa couleur jaune, qu’on appelle en Autriche le jaune de Schoenbrunn ou jaune impérial, lui rappelle irrésistiblement la patine des belles villas de Toscane – seul rapprochement qu’elle puisse inspirer avec l’Italie. Car le soleil manque à Salzbourg, comme la gaieté et la chatoyance naturelles aux paysages du Midi. La maison est construite sur un site farouche et isolé, au milieu de bois sombres où la lumière ne pénètre jamais qu’à contre-jour. Elle domine la ville et le fleuve sur sa rive droite, et possède une vue plongeante sur les toits de zinc et sur le dôme vert, comme sur les eaux couleur de plomb de la Salzach. Son domaine est le Kapuzinerberg, le mont des Capucins, partagé avec la communauté des moines qui au xvi e  siècle lui a donné son nom. Les capucins sont les seuls voisins de Zweig, leur cloître et leur église semblent veiller sur sa maison. Pour y accéder, le chemin est rude, inaccessible aux automobiles, et monte à pic. Depuis le xvii e  siècle, cent marches de pierre, qu’un archevêque a fait ajouter au site pour en rendre l’ascension moins pénible, n’enlèvent rien à l’effort d’y grimper. La nuit, les capucins plantent des lanternes le long de la route pour guider les pèlerins.
     
    La tristesse romantique, naturelle au Kapuzinerberg, est encore exacerbée par un détail historique qui s’accorde assez bien avec la robe de bure des moines et leur idéal austère : un chemin de croix mène de la vallée au cloître. Six chapelles, construites au xviii e  siècle, abritent la Passion du Christ et c’est d’une vision de souffrance à une autre, dans le spectacle de statues de bois baroques et suppliciées, qu’on se hisse lentement jusque chez Zweig. Le jardin ouvre directement sous le calvaire, où Jésus expire entre les deux larrons, pleuré par la Vierge.
     
    Au-delà, sur le Kapuzinerberg, la nature pleure aussi : les chênes quatre fois centenaires gémissent sous le fœhn, et ploient l’hiver sous la neige, tandis que le promeneur continue de grimper jusqu’au sommet où un château

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