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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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inachevée. Pendant des années, jusqu’à l’avènement du nazisme qui lui fera perdre le goût de conserver des vestiges, il ne cesse de vendre et d’acheter, d’échanger, de compléter, de polir, d’unifier, d’approfondir sa collection, comme on peaufine un roman ou un poème. Il songe à la léguer un jour non à un musée mais à un institut qui s’engagerait à poursuivre l’œuvre de sa vie, en l’affinant encore, en l’enrichissant, en lui gardant ce mouvement qui fait à ses yeux son charme et sa beauté. Là encore, la recherche du chef-d’œuvre absolu le motive, comme le peintre Frenhofer poursuit l’inaccessible image de la Belle Noiseuse, dans le roman de Balzac.
     
    « J’ai mis ma joie dans mon travail de création, jamais dans ce que j’avais créé. » D’abord attentif à rassembler lettres ou manuscrits d’écrivains et de musiciens qu’il admire – la littérature et la musique resteront ses deux spécialités –, il opère très tôt parmi les documents qu’il achète aux enchères ou dans des librairies un tri draconien. Posséder une signature ne lui suffit pas. Il vise la qualité, chaque page doit éclairer l’œuvre. Il s’acharne à trouver les plus belles traces d’un travail de composition, traque la genèse de l’ouvrage, son lent accouchement, à travers les manuscrits originaux ou leurs brouillons. Ecartant l’anecdotique, le superficiel, il devient chasseur de sens. Lui importe, sur la feuille blanche où une main d’artiste a écrit son message, la recherche de la forme, l’effort visible pour parvenir à la perfection. Il aime les manuscrits qui sont des moments étoilés où s’éclaire, dans sa spontanéité, sa joie ou sa souffrance, l’élan de la création. Ainsi qu’il l’écrit pour lui-même, mais la phrase vaut pour sa collection, miroir de ses rêves d’artiste, l’œuvre achevée, parfaite, l’attache moins que le cheminement qui y a conduit, l’aboutissement moins que le processus. Sa préférence va aux fragments, aux brouillons, aux esquisses, aux pages les plus corrigées, les plus tourmentées, celles qui portent la trace d’un combat avec les mots et les idées. « Je voulais posséder des hommes immortels, dans la relique de leur manuscrit, justement ce qui les avait rendus immortels. »
     
    Devenu l’un des grands connaisseurs au monde de l’autographe littéraire et musical, Stefan Zweig se trouve à la tête d’une collection époustouflante que bien des musées et des bibliothèques lui envient et que complète une bibliothèque de plus de quatre mille catalogues : ses trésors, amoureusement rassemblés, forment un tout, une sorte de Recherche des Riches heures de l’Art. Parmi tous ces « témoignages de l’humanité créatrice », figurent, entre autres raretés, une page des Cahiers de Léonard de Vinci ; le manuscrit des Origines de la tragédie de Nietzsche, dans une rédaction inconnue qu’il avait écrite pour Cosima Wagner ; un roman de Balzac « dont chaque page était un champ de bataille » ; un texte de Goethe à neuf ans, son dernier poème à quatre-vingt-deux ans et, magistrale, prise entre ce début et cette fin, une page in folio du Faust . Côté musique, le manuscrit des Chants tziganes de Brahms, de la Barcarolle de Chopin, l’air de Chérubin de Mozart, et la mélodie Dieu conserve du Quatuor de l’Empereur de Haydn, entre autres vestiges, dont les plus nombreux se réfèrent à Beethoven – le cahier des notes de jeunesse, le Lied Le Baiser , et des fragments d’ Egmont . Beethoven est le dieu tutélaire de la collection de Zweig, qui a, par ailleurs, acheté le mobilier de la chambre du compositeur, son immense bureau, transféré dans la maison de Salzbourg, sa cassette et son pupitre. Dans un tiroir, relique sainte, une mèche de ses cheveux.
     
    « Il va de soi que je ne me suis jamais considéré comme le propriétaire de ces choses, mais seulement comme leur conservateur dans le temps », écrit Zweig en se souvenant de tout ce qui aura alors disparu. « Ce n’était pas le sentiment de posséder qui me séduisait mais l’attrait de réunir, de faire d’une collection une œuvre d’art. » Entreprise ambitieuse et passionnée, il la revendique avec une fierté inhabituelle, se reconnaissant dans ce seul domaine un talent particulier, et même du génie. « J’étais conscient, dira-t-il, d’avoir créé là quelque chose qui comme ensemble était plus digne

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