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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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fait qu’il correspondait avec de nombreux marchands et acheteurs de livres en France et en Grande-Bretagne ! A son retour, il est méconnaissable. Il semble égaré, misérable. Le nouveau propriétaire du café le fait mettre à la porte. Car il dérange désormais. Chassé du café Gluck comme un malpropre – seule la dame des lavabos lui garde un peu de compassion –, il meurt sans avoir compris pourquoi on lui a si brutalement, si absurdement supprimé les livres, sa raison de vivre. « Mendel n’était plus Mendel, écrit le narrateur. Il n’était plus un être miraculeux, mais une misérable loque humaine. »
     
    Il y aura bientôt d’autres victimes innocentes, dans d’autres camps encore plus terribles, que la folie d’un monstre va déposséder de tout – des biens terrestres, de l’orgueil d’être un homme, et de la vie tout court. Si la dernière phrase de Buchmendel est un effort vers l’optimisme – « Je sais que les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l’ennemi le plus implacable de tous, l’oubli » –, on voit bien que la destruction obsède le narrateur. Elle est le thème autour duquel se construisent ses romans comme ses biographies, Fouché, Buchmendel, L’Agneau du pauvre…, la fatalité est au cœur de tous ses livres, même si elle épargne encore sa propre existence.
     
    Elle est belle, cette manière qu’a Stefan Zweig d’anticiper toujours, comme inspiré par un ange, sa propre destinée. Songeant à l’époque faste de ses cinquante ans, aux lettres du monde entier lui souhaitant un heureux anniversaire, le louant, le congratulant, il écrira : « L’obscure puissance qui gouverne ma vie, l’insaisissable qui avait comblé pourtant tant de vœux que je n’aurais jamais eu l’audace de former, c’est elle que je devais avoir perçue. » La gloire, le bonheur d’être aimé ne peuvent l’arracher au sentiment d’une indicible tristesse. Dès la fin des années vingt, il sent une ombre planer au-dessus de lui et du monde qu’il aime. La vie l’a trop gâté. Il attend qu’elle se venge.
     

J’avais beau m’éloigner de l’Europe, son destin m’accompagnait.

V
     
    Un écrivain pourchassé
par l’Histoire
     

    Un homme à femmes ?
     
    Son ménage a pris de l’âge, et, presque autant que la situation politique en Autriche en pleine déliquescence, cela l’incite à de sombres pensées. Stefan Zweig s’ennuie auprès de Friderike, réduite à son rôle d’intendante et de compagne effacée. L’atmosphère du foyer, où Alix et Suse, avec leurs espiègleries, leurs rires, leurs colères de jeunes filles gênent sa concentration, lui pèse et il fuit autant qu’il peut. Son journal ne porte pas un mot de douceur ou de tendresse pour son épouse et ses enfants. Le charme s’est rompu, laissant là aussi la place à une routine et à un agacement grandissants. 1 er  novembre 1931 : « Contrariété à table à cause de A. et S. [c’est-à-dire Alix et Susanne], note-t-il. Impossible de vivre dans cette atmosphère de stupidité et de lâche prétention. J’y étouffe. » Quelques jours plus tard : « Discussions avec Alix. Temps perdu. »
     
    Quand les soirées sont paisibles, quand il peut travailler sans être dérangé par les soucis domestiques dont Friderike fait pourtant effort de le décharger, il en soupire d’aise. « Tout est en ordre dans la maison », dit-il. Mais une sorte de chape suffocante l’empêche d’être heureux à Salzbourg, hors les murs de sa bibliothèque. Le désamour a commencé son œuvre. Les lettres que s’adressent le mari et la femme reflètent l’affadissement de leurs relations. Bien que la passion n’ait jamais caractérisé leur vie commune, leurs rapports se réduisent à un ensemble de devoirs, sinon de corvées. L’utile n’est plus agréable. Friderike continue à nommer Zweig « mon chéri », il l’appelle simplement Friderike, ou « ma chère femme », ce qui est encore plus distant. Elle signe Moumou, le nom que lui donnent ses filles, Maman ; il ne paraphe plus Steffi, devenu trop intime, mais Stefan. Il est, à l’évidence, enchanté de s’éloigner dès qu’une occasion se présente, et quand il voyage, toujours sans elle, il lui écrit des messages de plus en plus laconiques, non exempts de gentillesse mais truffés de petites phrases qui en disent long : « Ne te presse pas de venir », « Si tu veux rester

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