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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de Lucrèce serrèrent un peu plus fort la coupe d’or qu’elle s’apprêtait à porter à ses lèvres.
    — Comment l’entendez-vous ?
    — Mon Dieu… le plus simplement du monde. Vous êtes seule ici, loin de Rome à qui vous manquez. Notre père prend chaque jour de l’âge. Il s’ennuie… et vous regrette.
    — Il a tort, car je ne suis pas d’une compagnie bien récréative. Vous en savez la raison, j’imagine… mon frère.
    Le mot eut du mal à passer, mais César ignora délibérément l’intention.
    — Il est votre père, et il vous aime profondément, Lucrèce. Son rêve le plus cher est de vous voir heureuse.
    — Heureuse ? Ne l’étais-je pas quand…
    Par les trous du masque, le regard noir de César lança un éclair.
    — La fille d’Alexandre ne saurait être heureuse dans un bonheur égoïste où la gloire de la famille n’a rien à voir. Et moi, César, je suis venu vous dire ceci : vous avez vingt ans, Lucrèce. Vous êtes belle, et vous avez autre chose à faire de votre vie que l’ensevelir sous des voiles de crêpe au fond d’une forteresse provinciale. Il faut revenir à Rome où l’on vous attend… et vous remarier.
    La jeune veuve se releva si brusquement que son siège tomba à terre avec fracas.
    — Me remarier ! Êtes-vous fou, mon frère ? Vous venez me proposer un nouvel époux si peu de temps après que mon pauvre Alphonse…
    — Votre pauvre Alphonse était un jeune sot, un couard, qui avait déjà pris la fuite une fois et qui l’aurait prise à nouveau, vous plantant là sans plus de cérémonie si on lui en avait laissé le temps.
    — Que ne l’avez-vous laissé fuir, alors ?
    — Voulez-vous me dire quel avantage nous en aurions retiré ? Une veuve se remarie… pas une femme séparée. Or, je l’ai déjà dit, il faut vous remarier.
    Lucrèce eut un petit sourire sans gaieté :
    — Je jurerais que vous avez déjà un candidat… ou plusieurs… Je commence à bien vous connaître.
    — -Il y en a plusieurs, en effet. Le plus intéressant serait le propre cousin du roi de France, mon ami Louis de Ligny, un grand capitaine et…
    — N’allez pas plus loin. D’ores et déjà, je dis : non. À aucun prix je n’habiterai la France. Je veux rester en Italie… et puis, je vous en prie, ne me parlez plus de mariage. Pas maintenant. C’est… beaucoup trop tôt.
    — Comme vous voudrez. Pensez tout de même que l’hiver approche, qu’il est souvent rude par ici et que ce château, si agréable soit-il aux beaux jours, est bien moins confortable que votre palais romain. Il faut songer à votre santé… à celle de votre fils. Croyez-moi : revenez.
    César repartit dès l’aube, emmenant avec lui sa troupe bruyante, après le passage de laquelle Nepi retomba dans le silence. Un silence que Lucrèce, peu à peu, trouva pesant. Après tout, cette armée d’hommes, même s’ils traînaient la mort après eux, représentait la jeunesse et la vie… et Lucrèce n’avait que vingt ans, comme César l’avait si bien fait remarquer. Elle avait trop aimé le bal, les arts, les toilettes et l’insouciance pour se condamner sans appel à la vie austère d’une veuve vouée uniquement à l’éducation d’un fils. Sans appel et surtout sans regrets…
    Demeurée en face d’elle-même, Lucrèce s’aperçut que son horreur de César avait un peu fondu et, tout à coup, elle se retrouva plus Borgia que Bisceglia et puisque, après tout, plus rien ne pouvait ramener Alphonse à la vie, elle en vint à penser que le mieux était de s’en remettre au destin. Aussi, quand vinrent les premiers froids de l’automne, la fille du pape reprit-elle, non sans un secret soulagement, le chemin de Rome et de sa vie normale.
    Alexandre VI retrouva sa fille avec joie. Il avait été heureux de la voir partir mais il était plus heureux encore de la voir revenir. Le langage qu’il lui tint ressembla beaucoup à celui de César : elle avait toute sa vie devant elle et tous les espoirs lui demeuraient permis.
    Mais quand il parla d’un nouveau prétendant, en l’occurrence Francesco Orsini, duc de Gravina, Lucrèce refusa net, sans vouloir entendre la plus petite plaidoirie.
    — Pourquoi refuses-tu sans savoir ? demanda le pape, surpris.
    — Parce que jusqu’à présent, mes maris sont toujours trop mal tombés, mon père… Je ne veux plus me remarier.
    Pourtant, un autre nom allait bientôt être prononcé, accolé à celui de Lucrèce, et

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