Suite italienne
reverrez vos enfants que lorsque vous serez enfin venue à composition.
— Alors, j’y mourrai moi aussi.
On enferma la duchesse, mais le pape entendait briser cette révolte et ne s’en contenta pas. Il ordonna que Renée, duchesse de Ferrare, fût traduite devant le tribunal de l’Inquisition. Elle risquait le bûcher, ni plus, ni moins.
Ce que fut ce procès, on l’ignore encore, toutes les pièces en ayant disparu. On sait seulement que la duchesse fut condamnée, le 7 septembre 1554, à la prison perpétuelle. Mais cette fois, à une véritable prison.
Tirée de son confortable appartement, Renée fut conduite dans l’un des cachots de la forteresse. Elle allait y rester… huit jours.
Au bout de ce laps de temps, elle cessa brusquement de résister sans que l’on en sût la raison. Peut-être pensa-t-elle que son incarcération ne servirait en rien la cause protestante et qu’elle pourrait lui être infiniment plus utile libre que prisonnière. Peut-être aussi était-elle lasse d’une lutte stérile qui l’avait éloignée de ses enfants. Son fils, Alphonse, ne l’aimait guère, et ne s’en cachait pas. Sa fille aînée, Anne, l’une des plus jolies femmes de son temps, avait épousé, en 1548, le duc François de Guise, qui était à la tête du parti catholique en France, et vivait désormais dans ce royaume dont sa mère avait si souvent la nostalgie. Renée aspira peut-être au calme, au repos. Elle capitula.
Hercule, d’ailleurs, toujours indulgent, se contenta d’une abjuration de pure forme et réintégra aussitôt sa femme dans ses prérogatives entières. Elle reprit sa place.
Si elle ne changea pas d’opinion, du moins devint-elle plus prudente et préféra-t-elle se cacher. Elle se résigna à être la « correcte souveraine d’un État catholique ». Le temps du scandale était passé.
Vint celui du veuvage. En 1559, Hercule d’Este s’éteignit. Il avait été un bon mari, malgré tout, et n’avait montré de sévérité que contraint et forcé. Alphonse, son fils, sous le nom d’Alphonse II, montait sur le trône. Son premier soin fut de délivrer le sempiternel prisonnier de la tour des Lions. Il était là depuis cinquante-trois ans… mais fut si heureux de recouvrer la liberté qu’il en profita jusqu’en 1581. Hélas, avec sa mère, l’accord n’était pas possible.
Alphonse II, catholique convaincu, ne pardonnait pas à la duchesse le doute qu’elle avait fait planer si longtemps sur ses convictions, pas plus que d’avoir en quelque sorte implanté la Réforme à Ferrare. Renée comprit que sa présence n’était plus guère souhaitée. D’ailleurs, depuis si longtemps elle désirait revoir la France… et sa fille Anne.
Le 2 septembre 1560, elle quittait Ferrare pour n’y plus revenir. La cour l’accompagna jusqu’à Modène puis, avec ses gens, elle continua sa route jusqu’à son domaine de Montargis et décida de s’y installer. Le château était délabré et avait beaucoup souffert. La duchesse se consacra à cette restauration puis, libre enfin de ses actes comme de ses pensées, reprit avec bonheur ses relations avec la Réforme.
Mais bien des choses avaient changé en France. Le roi François était mort, et aussi son fils Henri II. Maintenant, c’était le débile François II qui régnait, en titre seulement, la réalité du pouvoir appartenant beaucoup plus à ce chef d’État en jupons qu’était sa mère, Catherine de Médicis. En France, les guerres de Religion faisaient rage. Force fut à la nouvelle dame de Montargis d’en tenir compte. Non sans douleur.
En 1562, une émeute éclata dans sa ville. Malgré l’interdiction de Renée, un groupe de bourgeois en armes occupa l’église et s’y opposa à l’entrée des protestants. De l’église, l’agitation gagna la ville, jusqu’au moment où les gentilshommes de la duchesse ramenèrent les assiégés au château.
Avec acharnement, aidée de son ami et voisin l’amiral de Coligny, Renée tenta de défendre les réformés, souvent au péril de sa vie. Elle ne dut qu’à l’affection de son petit-fils, le duc Henri de Guise, d’être épargnée lors de la terrible nuit de la Saint-Barthélemy. Prudent, le Balafré avait fait garder militairement la maison de sa grand-mère. D’ailleurs, la fin approchait.
Dans les derniers jours du mois de février 1575, la duchesse eut un accès de fièvre. On lui fit une saignée, mais elle était si faible que l’on craignit
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