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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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rien ni personne ne pourrait les atteindre… Ils se laissèrent emporter par la griserie et par la joie d’être jeunes et de s’aimer…
    À Venise cependant, le drame éclatait joint à un affreux scandale. La famille de Bianca, découvrant sa fuite, faisait un bruit terrible. Tous les sbires du Conseil des Dix furent mis sur la piste des fugitifs dont, en attendant, la tête fut solennellement mise à prix du haut du pont du Rialto.
    Les policiers ne purent retrouver la trace des jeunes gens, car l’eau ne garde point d’empreinte. Mais on découvrit tout de même les deux gondoliers qui avaient aidé Pietro à enlever Bianca. Ils furent arrêtés, mis à la torture avec leurs femmes et en moururent bientôt, faute de pouvoir donner des indications suffisantes. De même, l’oncle de Pietro, le vieux Buonaventuri, chez qui le séducteur avait pris pension à Venise, fut incarcéré, interrogé avec tout ce que ce mot comportait de cruauté. À son tour, le vieillard mourut de ses blessures, enchaîné au mur de sa prison.
    Mais tout cela, Pietro et Bianca l’ignoraient ou ne voulaient pas le savoir. On était au cœur de l’hiver et, comme des oiseaux frileux, ils cachaient leur amour dans la vieille maison des parents de Pietro, sur la place San Marco, à Florence, en face du célèbre couvent qui avait vu Fra Angelico et Savonarole…
     
    Évidemment, la maison du notaire Buonaventuri n’avait rien de comparable avec le palais Capello, et Bianca y connut son premier désenchantement. C’était une étroite bâtisse à deux fenêtres de façade, sombre et maussade, dans laquelle la seule distraction était de regarder passer les gens sur la place et d’entendre les cloches du couvent sonner l’office. Pietro, par crainte des sbires de Venise dont il connaissait la remarquable activité policière, y enferma Bianca purement et simplement. Elle n’eut droit qu’à une seule sortie, un soir de neige, à la nuit close. Pietro lui fit traverser la place et la conduisit à la chapelle de San Marco où un prêtre bénit rapidement leur union, consacrant ainsi religieusement une situation par trop irrégulière. Mais le danger était toujours présent. Un soir, Pietro rentra chez lui dans un état de surexcitation totale.
    — Ton père ne désarme pas, lança-t-il à Bianca, sans même prendre le temps de l’embrasser. Il a promis une prime de deux mille ducats d’or à quiconque vengerait son honneur… autrement dit, lui apporterait ta tête et la mienne !
    — Qu’est-ce que cela peut faire ? fit Bianca avec insouciance. Ne sommes-nous pas sur le territoire de Florence ? N’es-tu pas sujet du grand-duc Cosme I er  ? Alors ?
    Pour seule réponse, Pietro prit sa femme par la main et l’entraîna vers la fenêtre de leur chambre qui donnait sur la place. Auparavant il avait eu la précaution de souffler les chandelles.
    — Regarde ! ordonna-t-il. Ne vois-tu rien ?
    Les yeux du jeune homme mirent quelques instants à s’habituer à l’obscurité. Mais le sol couvert de neige facilitait les choses en créant un fond clair sur lequel se détachaient les passants.
    — Regarde, reprit Pietro. Ne vois-tu pas une ombre dans ce renfoncement, là, auprès de l’entrée du cabaret ? Et en face sous le porche du couvent, ne vois-tu rien ?
    Bianca écarquilla les yeux et finit, en effet, par distinguer des formes vagues, des manteaux noirs que le vent faisait flotter hors des coins sombres où se tapissaient les hommes. Effrayée soudain, elle se rejeta en arrière et regarda Pietro avec de grands yeux vides :
    — Qui sont ces gens ?
    — Qui veux-tu que ce soit, sinon les sbires de Venise ? Le Conseil des Dix ne lâche jamais sa proie, Bianca. Si nous ne trouvons pas une puissante protection pour nous abriter, tôt ou tard ils nous prendront. Une nuit comme celle-ci, la maison sera attaquée, ou bien on me poignardera au coin d’une ruelle, on t’enlèvera quand tu reviendras de la messe. Je ne veux pas connaître les prisons de Venise ni le pont des Soupirs {9}  !
    — Moi non plus, affirma Bianca. Mais que faire ?
    — J’ai un plan. Il est hardi, mais s’il réussit…
    La vieille Marietta Buonaventuri, mère de Pietro, était entrée pendant ce dialogue. Elle et son mari ne vivaient plus depuis que les ombres suspectes avaient commencé de rôder sur la place. La présence de cette belle-fille, quelque peu compromettante, leur portait ombrage, et ce mariage avec une

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