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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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chaque pièce, commentant chaque objet, chaque peinture, mais ce fut dans la chambre qu’elle s’attarda le plus longtemps. Sa main, gantée de peau souple, poussa négligemment une porte peinte.
    — Ta garde-robe, j’imagine ? Montre-moi tes robes. Tu sais combien j’adore les chiffons.
    Lucrezia, flageolante, dut s’appuyer au mur pour ne pas tomber en voyant la dame d’honneur ouvrir les coffres, sortir les robes. La duchesse cherchait quelqu’un, elle en était sûre et malheureusement, son visage décoloré avait dû la renseigner amplement. Bientôt, Béatrice aperçut, sous un rideau, le bout d’une botte en maroquin vert… et ce fut elle qui dut se raidir.
    Au prix d’un violent effort sur elle-même, elle parvint à retenir le geste qui la poussait à écarter ce rideau, à découvrir le coupable. Mais son orgueil la sauva.
    Une Este ne pouvait s’abaisser à une réaction de petite-bourgeoise. D’un geste nerveux, elle rejeta l’étoffe qu’elle examinait.
    — Rien de fort beau… Celui qui t’entretient est bien ladre, ma fille ! C’est misérable ici.
    Puis, sans un regard à la malheureuse Lucrezia, elle saisit le bras de sa suivante et sortit. Malgré ses fourrures, elle tremblait comme une feuille. Mais elle refusa de rentrer au château. Elle voulait chercher l’apaisement dans la prière et se fit conduire à Sainte-Marie-des-Grâces.
    Elle aimait cette église que venait de construire Bramante et pria longtemps dans le sanctuaire. Avant de partir, elle gagna le réfectoire du couvent. Sur un vaste échafaudage, Léonard de Vinci travaillait à une grande fresque représentant la dernière Cène.
    — Ne bougez pas, messer Leonarde ! lui dit-elle gentiment tandis qu’il dégringolait et venait s’agenouiller devant elle. Je passais. Laissez-moi seulement admirer. C’est magnifique… vraiment très beau. Comme j’aimerais être sûre d’en voir la fin, ajouta-t-elle, prise d’un brusque pressentiment.
    Le peintre allait parler, protester, mais elle lui ferma la bouche d’un geste triste.
    — Non, ne dites rien. Je crois que je suis malade, mon ami, très malade… et que je ne durerai guère. Dieu vous garde.
    Et elle s’éloigna, petite silhouette emmitouflée, pitoyable malgré ses joyaux, que Léonard regarda disparaître, péniblement impressionné par ce regard désespéré qu’elle avait eu, par ce masque tragique sur son jeune visage. Se pouvait-il que la mort eût déjà marqué cette créature qui incarnait la vie même ?
     
    Il y avait bal, ce soir-là au château, et les danses avaient commencé. Lentes, graves, elles semblaient faites pour les robes fantastiques et somptueuses des dames. Elles s’approchaient de leurs cavaliers puis s’en séparaient avec solennité, saluaient gracieusement pour revenir encore reprendre les mains offertes. La musique était douce, tendre et presque mélancolique, propice aux rapprochements amoureux, et ce soir, elle faisait mal aux nerfs de Béatrice, qui l’avait tant aimée.
    Pour paraître à cette fête, elle avait rassemblé tout ce qui lui restait de forces. Parée comme une madone, ruisselant d’or et de pierreries qui faisaient plus tragique encore son petit visage peint et maquillé, elle était apparue, droite, la tête haute, comme une idole impassible, si hautaine et si lointaine que Ludovic n’avait pas osé rencontrer son regard. Presque timidement, il était venu lui offrir la main pour la conduire au trône ducal, mais il n’avait pas osé s’y asseoir auprès d’elle. Elle savait tout de lui à présent et une gêne affreuse le paralysait, jointe à l’inquiétude d’avoir trouvé glacée la main qu’il avait prise.
    — Bice, implora-t-il, tu es bien pâle… Tu ne devrais pas être ici…
    Elle n’avait pas répondu, s’était détournée pour sourire aux stupides compliments, aux fadaises de ses courtisans. Jamais elle n’avait senti son cœur si lourd, si oppressé. Il lui semblait que ses forces coulaient de ses membres comme de l’eau. Mais sa nature la poussait à combattre encore, contre elle-même, contre le sort, contre la mort même s’il le fallait, tant qu’il lui resterait un souffle. Avec un regard de défi à son époux, elle annonça :
    — Je veux danser.
    — Bice ! Ce n’est pas sérieux ?
    Sans répondre, elle appela du geste l’un de ses fidèles, Gaspare Visconti, lui tendit la main pour qu’il l’aidât à descendre du trône.
    Lentement, au milieu

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