Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
bien que, lorsqu’elle consentit enfin à rendre la forteresse au nouveau pape, Innocent VIII, elle conservait ses biens et ses États de Romagne, jadis donnés par Sixte IV à son neveu bien-aimé. Ce fut donc en toute tranquillité et avec les honneurs de la guerre que, escortée de son époux et de ses enfants, elle gagna Forli et s’y installa pour y vivre comme n’importe quelle autre souveraine.
    Malheureusement, à peine installé à Forli, le peu intéressant Girolamo se hâta d’y reprendre ses détestables habitudes et ne mit guère de temps à se faire exécrer. Tant et si bien qu’en 1488, il était proprement assassiné. Toutefois, aux yeux de sa femme, il n’en était pas moins le légitime seigneur, victime d’une poignée de croquants, et non seulement elle porta son deuil mais encore elle vengea sa mort avec un certain nombre de potences qui ne tardèrent pas à recevoir leur charge sinistre. Après quoi, la conscience tranquille, elle s’occupa d’elle-même et s’offrit un amant.
    Elle s’était éprise, assez follement comme les femmes qui n’ont pas trouvé à épancher un cœur trop brûlant, d’une espèce de capitaine d’aventures, un certain Giacomo Feo, superbe garçon mais bête à pleurer et d’une prétention sans limite qui, jointe à une cruauté native, en faisait un être assez odieux.
    Il l’était même tellement qu’en 1495, une conspiration menée par le propre fils de la comtesse, Ottaviano, régla le sort du beau capitaine, dont entre-temps Catherine avait fait son époux, car c’était une femme qui avait des principes et ne pouvait aimer que dans la légalité.
    Cette fois, la vengeance fut atroce, parce que le cœur de la veuve était cruellement touché ; des hommes, des femmes et même des enfants payèrent de leur vie la mort du bien-aimé. Ottaviano lui-même ne dut son salut qu’à la rapidité de son cheval.
    Catherine pleura beaucoup mais reçut chez elle un autre capitaine, un vrai cette fois, et une sorte de héros. Il se nommait Jean de Médicis et appartenait à la grande famille florentine. Mais décidément, le mariage ne réussissait guère à la dame de Forli : après un an de bonheur, Jean de Médicis mourait, de sa belle mort d’ailleurs, la laissant mère d’un petit garçon destiné à faire quelque bruit dans le monde {11} .
    Veuve pour la troisième fois, la comtesse Catherine ne se remaria pas… mais on disait que son cœur battait un peu trop fort pour le beau Giovanni da Casale, qui commandait les troupes de sa forteresse… et sur lequel reposait une grande partie de sa défense.
    Giovanni da Casale ! L’homme dont l’appui et l’amour étaient devenus ses biens indispensables à l’heure du grave danger que représentait Borgia.
    Ce matin du 1 er janvier, le fils du pape demeura un moment immobile et silencieux en face de la forteresse. Il ne se pressait pas. Il regardait, cherchant un moyen de mordre dans cet énorme gâteau de pierre dure dont la défense obstinée l’irritait. Sous lui, son cheval grattait du sabot le sol gelé.
    Puis, avec un soupir, il recula, et sur un signe, les sonneurs embouchèrent leurs longues trompettes d’argent et lancèrent un appel dans l’air glacé. L’un des capitaines de Borgia s’approcha du fossé et interpella la sentinelle qui s’était penchée au créneau :
    — Va dire à la comtesse que le seigneur duc désire lui parler sur l’heure.
    Le soldat fit signe qu’il avait compris et disparut. César, impassible, attendait, laissant son regard errer par les trous du masque sur le camp français dont on pouvait apercevoir, d’où il était placé, toute l’étendue. De temps en temps, ses yeux revenaient au château fort, bâtisse ramassée et trapue, pas très élevée mais dont les fossés étaient si profonds qu’ils donnaient une énorme impression de puissance. Depuis trois semaines que les canons de Borgia battaient ses rudes murailles, celles-ci montraient tout juste quelques lézardes. Encore la comtesse les faisait-elle réparer durant la nuit.
    Soudain, de l’une des tours, une voix claire se fit entendre :
    — Que voulez-vous, seigneur duc ? Me voici !
    Appuyée d’une main au créneau en forme de papillon, une femme éblouissante regardait César qui, machinalement, intimidé peut-être par l’aspect imposant de son ennemie, descendit de cheval, ôta son bonnet et salua en grand seigneur.
    En l’honneur de l’année nouvelle, la dame de Forli avait

Weitere Kostenlose Bücher