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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le sujet, le duc de Bari avait repoussé l’allusion, mais à mesure que le temps coulait, il faiblissait, faiblissait… tellement qu’en octobre 1494, le jeune duc Jean-Galeas mourait au château de Pavie. Il avait bu un verre de sirop que lui avait offert Ambrogio da Rosate, l’astrologue favori de Ludovic.
    Isabelle, éperdue, alla se jeter aux pieds du roi Charles VIII, dont les troupes foulaient le sol italien, mais sans rien en obtenir. Il marchait sur Rome, où son approche frappait de terreur le pape Alexandre VI Borgia et ne voulait pas perdre de temps à Milan… à Milan où les fêtes du couronnement de Ludovic et de Béatrice atteignaient un éclat sans pareil. Comme l’avait espéré la jeune femme, le Conseil de la ville avait préféré leur remettre la couronne plutôt que vivre encore l’interminable minorité d’un duc enfant avec une femme pour régente.
     
    Béatrice attendait son deuxième enfant et cette attente était pénible. La duchesse maigrissait, devenait irascible. À mesure que son corps se déformait, son visage jaunissait, se creusait. Malgré les avis de ses médecins alarmés, elle refusait de renoncer à ses chasses, à ses randonnées à cheval. Elle avait toujours été une intrépide cavalière et montait infiniment mieux que son époux. Celui-ci, malgré son inquiétude, n’osait lui interdire ce dangereux plaisir qu’elle revendiquait avec hauteur.
    L’amour du duc pour sa femme était toujours aussi grand, mais commençait à manquer d’aliments substantiels. Il avait toujours aimé les femmes belles, sereines, rieuses et douces. Durant cette attente, Béatrice était tout juste le contraire.
    Il remarqua alors l’une des demoiselles d’honneur de sa femme, dont la beauté parfaite rappelait un peu celle de Cecilia. Elle se nommait Lucrezia Crivelli et Ludovic se mit à lui faire une cour discrète mais pressante.
    Tant qu’il n’en fut qu’aux travaux d’approche, Béatrice ne se douta de rien. Cette Lucrezia était sa favorite, et elle la réclamait toujours auprès d’elle. Mais la belle enfant brûlait d’accepter les hommages du puissant duc de Milan, assortis d’un joli petit palais sur la place du Dôme, et ne se montra pas longtemps cruelle. Naturellement, ces deux désirs ne pouvaient que se rencontrer.
    Le 2 janvier 1497, une couche de neige épaisse couvrait Milan. Il faisait très froid et la duchesse Béatrice, plus lasse et plus faible que jamais, avait l’impression qu’elle ne se réchaufferait jamais. Depuis le matin, elle arpentait sa chambre nerveusement, enveloppée d’une robe de drap vert entièrement fourrée de zibeline qui jaunissait encore son teint plombé et la faisait paraître aussi large que haute. D’un œil sombre, au début de l’après-midi, elle avait vu son mari quitter le château à cheval, suivi d’un seul écuyer, et sa naine Prisca, qui l’observait, avait vu Béatrice mordre ses lèvres de rage. Une demi-heure plus tard, la duchesse commandait sa litière et une forte escorte, sans consentir à s’expliquer. À l’unique dame d’honneur qu’elle emmenait, elle dit seulement :
    — Nous allons place du Dôme. Je veux rendre visite à Lucrezia, que l’on dit si souffrante…
    En effet, peu de temps après, la litière s’arrêtait devant le petit palais et Béatrice appelait le capitaine qui commandait son escorte :
    — Entourez cette maison avec vos hommes et ne laissez sortir personne, ordonna-t-elle. Pas même le duc s’il se présentait. Vous m’en répondez sur votre tête !
    Laissant l’homme pétrifié, Béatrice pénétra dans l’élégante demeure, appuyée sur sa dame d’honneur. Lucrezia accourut et la reçut sur le palier du grand escalier, mais en constatant qu’elle était plus blanche que sa robe, Béatrice eut un petit sourire cruel.
    — On m’a dit que tu étais malade et je suis venue aux nouvelles. Mais tu sembles en parfait état. Néanmoins, puisque je suis ici, fais-moi donc visiter ta nouvelle demeure. Tu es bien logée, il me semble.
    Bon gré mal gré, il fallut bien que Lucrezia, plus morte que vive, précédât sa maîtresse. Son domestique lui avait dit que la maison était cernée et Ludovic était dans sa chambre. En désespoir de cause, elle l’avait poussé derrière un rideau, dans sa garde-robe, et il n’était guère encourageant de savoir qu’il avait presque aussi peur qu’elle.
    Lentement, sans lui faire grâce de rien, la duchesse visita

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