Sur la scène comme au ciel
effectivement signe le lieu, ladite
chapelle étant notre tour Eiffel), où le père Briand, de retour des champs,
explique à sa femme qui s’inquiète devant son air soucieux, que l’armée du pape
a été bel et bien écrasée, que le désastre est encore plus considérable qu’on
ne le disait d’abord et qu’enfin l’armée de Lamoricière, ce grand chrétien,
n’existe plus. A quoi son épouse réplique : Ah, mon Dieu, avec un à
propos qui nous montre qu’elle a bien saisi qui était en réalité visé dans
cette affaire.
Mais, du coup, par ce télescopage spatial, ce rapprochement
déroutant entre les puissants de ce monde et d’humbles campagnards, l’auteur
nous fait saisir à quel point le sort de la Ville éternelle repose tout entier
entre les mains de ses fidèles (et principalement celles de la famille Briand),
même si ce passage à marches forcées, flatteur pour nos couleurs, du global au
local, de l’universel au particulier, n’est pas complètement convaincant et ne
parvient pas à sortir l’œuvre de son ornière régionaliste. Ou serait-ce, cette
composition en forme de pâté d’alouette, pour nous convaincre qu’à l’aune du
divin – ou de la littérature – tout se vaut ? Campbon
et Rome, la vie de la ferme et les manœuvres des gouvernants, François Briand
et Giuseppe Garibaldi ? que toutes choses méritent une attention égale, un
même intérêt, une même compassion ? C’est en effet à la scène III du
second tableau qu’apparaît le personnage décisif de François Briand, jeune
homme de dix-sept ans qui par sa force de conviction va entraîner ses camarades
dans l’aventure ultramontaine, et pour cela devra d’abord braver l’autorité
paternelle, ce qui en fait ne posera pas trop de problèmes puisque le père
Briand, en dépit de son air bourru, rêverait lui aussi d’en découdre avec Garibaldi,
s’il avait l’âge pour (vingt ans, et ce qu’il ferait ? Comme mon
grand-père (en 1793), je décrocherais ce fusil, et je m’en irais là-bas, me
battre pour Pie IX, pour que ces bandits ne parviennent pas jusqu’à lui). Pas d’obstacle non plus du côté de la mère Briand, qui en dépit de ses larmes
est ravie que la Providence ait choisi de retirer son fils à son affection pour
en faire de la chair sainte à canon – d’ailleurs au cinquième
tableau, intitulé la mort du zouave (heureusement il ne s’agit pas de François),
un dénommé le blessé, après avoir été informé de la victoire de nos
troupes, à Charrette (sans doute, un descendant de l’autre) qui très paternel
s’inquiète : Tu souffres, petit ? répond : Oui, mais
ces jours-ci sont les plus beaux de ma vie. Parce que je souffre pour mon Dieu.
J’ai trois blessures en l’honneur de la Sainte Trinité. Et Charrette (se
détournant) : Sont-ils sublimes.
Mais une histoire d’hommes, bien sûr. Il suffit de jeter un
œil à l’abondante distribution (quarante et un personnages), essentiellement
masculine, à l’exception du rôle de la mère Briand tenu, nous précise l’imprimé
distribué le jour de la représentation – une feuille volante éditée
par les Grands magasins Decré de Nantes et glissée dans le livret – par
E. Violain, E. pouvant être Emile, du magasin de vêtements, en quoi nous
resterions dans une tradition théâtrale médiévale, l’épiscopat refusant
toujours que les personnages féminins des Mystères de la Passion soient tenus
par des femmes.
C’est J. Jallais qui joue Napoléon III, N. Tremblay et P.
Caillon se partageant les autres rôles prestigieux du pape et de
Victor-Emmanuel, N. Tremblay troquant par la suite la calotte pontificale pour
une authentique ceinture tricolore de premier édile de la commune. Mais en
fait, le personnage clé de cette histoire, c’est François Briand. Et qui a-t-on
chargé d’incarner le jeune rebelle {on devant être l’abbé Bernard car on
ne trouve nulle mention d’un metteur en scène) ? J. Rouaud, notre père.
Qui en avril 1939 avait exactement l’âge du rôle : dix-sept ans.
Didascalie : Onze jeunes gens sont rassemblés devant la chapelle. Ils
écoutent François, suspendus à ses lèvres. (Onze, comprenons le groupe des
apôtres moins le traître, une assemblée purifiée, en somme). Et que leur dit le
nouveau messie ? Il commence par un morceau de bravoure, le récit de la
bataille entre les troupes de Lamoricière qu’il accuse Napoléon III d’avoir
lâché,
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