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Sur le quai

Titel: Sur le quai Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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seul point noir de cette existence fut, l’année de ses
quarante ans, en 1986, la naissance de son fils. Enfin, celle du
fils de Dany. Car, là, il était sûr et certain de ne pas en être le
père puisqu’il ne couchait plus avec sa femme depuis deux ans.
    D’un commun accord, ils se servaient l’un de l’autre pour jouer
le couple échangiste.
    Question de standing. C’était plus classe que la promiscuité,
pas toujours de bon aloi, socialement parlant, de leurs anciennes
partouzes post-soixante-huitardes.
    Avec l’échangisme, si l’on rencontrait quelques anciens et
anciennes de Mai, il s’agissait au moins de ceux qui avaient
réussi. Donc du même milieu.
    On était entre soi. On ne mélangeait plus les torchons et les
serviettes.
    Bien sûr, il avait tenté de questionner Dany sur l’identité du
père. Tenté seulement, car elle l’avait vite stoppé d’un :
« Ça ne te regarde pas ! » hargneux.
    Pour couronner le tout, elle décida de prénommer ce bâtard Jean.
Rien que pour l’emmerder.
    Dany avait quarante-deux ans à la naissance de son fils.
    C’est à cette époque, peu après l’accouchement, qu’elle commença
à se laisser aller physiquement.
    Elle avait déjà commencé à s’empâter, mais là ce fut le pompon,
le début de sa marche – par paliers – vers les quatre-vingts kilos
pour son mètre soixante-neuf. Avec une nette tendance à
picoler.
    Et le début d’une haine de plus en plus sourde à l’égard
d’Alexandre Caillard qui n’en comprenait pas la raison puisqu’ils
vivaient librement leur vie d’un commun accord et qu’il s’était
accommodé de l’existence de ce bâtard qu’elle lui avait pondu dans
le dos.
    Accommodé. C’était le mot juste, car, tout en l’éduquant comme
son propre fils, il n’avait jamais éprouvé la moindre affection
pour ce fils-là. Et, avec l’adolescence de ce petit con, la
réciproque se manifestait de plus en plus.
    Mais Alexandre Caillard n’y voyait pas un juste retour des
choses. Seulement de l’ingratitude. Ce qui envenimait leurs
rapports « père-fils » et les rendait de plus en plus
conflictuels.
    Il s’arrêta de tourner en rond dans son bureau et se demanda
pourquoi il en était venu à penser à son fils.
    À cause de leur engueulade d’hier soir ?
    Ce n’était pourtant pas la première et ce ne serait sûrement pas
la dernière.
    Ils étaient aussi arrogants l’un que l’autre.
    – Un chien ne fait pas un chat, mon Minou, minaudait sa
pouffiasse de mère.
    Rien que pour le plaisir de le narguer.
    Il s’ébroua en haussant les épaules et se concentra à nouveau
sur sa préoccupation essentielle.
    Ce putain de coup de fil anonyme.
    Cette curieuse voix surgie d’un lointain passé et qu’il
s’efforçait en vain d’identifier.
    Pourtant, elle avait quelque chose de familier.
    Il avait déjà entendu cette voix. Il en était sûr.
    En fait, il y avait eu deux appels.
    Le premier la veille, vers dix-sept heures. À son cabinet de la
rue du Cherche-Midi. Alors que sa secrétaire venait de faire entrer
son avant-dernier rendez-vous. Maud. Une ancienne maîtresse, épouse
d’un sénateur socialiste, qui lui demandait de prendre en main son
divorce.
    Le genre d’affaire merdique en soi. Surtout que ledit sénateur
appartenait à la même loge que lui-même.
    Elle était enragée. La haine lui déformait le visage. À un point
tel qu’il crut que son récent lifting allait lâcher quand elle
cracha :
    – Aide-moi à en tirer un max, Alex ! Ce pédé me trompe
avec son attaché parlementaire. Un type de vingt-huit ans. C’est
ignoble !
    Alexandre Caillard afficha le masque protecteur de sa
profession.
    Apparemment poli mais absolument indéchiffrable.
    Se demandant ce qui était « ignoble ».
    D’ailleurs, il connaissait trop le penchant du sénateur pour les
lolitas pour prêter le moindre crédit aux propos de Maud.
    Il était bien placé pour le savoir.
    Le sénateur le sollicitait toujours – et plus souvent que de
raison – quand une de ses liaisons avec une mineure tournait
mal.
    Pain béni pour le « Service ».
    Et il n’était pas le seul parlementaire à avoir ses
« faiblesses » charnelles. Dérives des plus variées où la
couleur politique ne rentrait pas en ligne de compte et que le
« Service » encourageait parfois quand il ne les
organisait pas.
    La sonnerie de sa ligne perso lui sembla une perche salvatrice
tendue par le Grand Architecte.
    – Tu te

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