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Sur le quai

Titel: Sur le quai Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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qu’il avait été « un
de ses collaborateurs les plus proches », l’autre s’était
raidi.
    – Notre ami commun a dû vous dire…, commença-t-il en se
demandant si le vénérable n’était pas devenu sénile en l’aiguillant
sur ce Cavalier-là.
    Qui le coupa sèchement.
    – La personne à laquelle vous faites allusion est une
simple connaissance et un ancien responsable de la maison à présent
à la retraite. Mais que puis-je pour vous concrètement ?
    Alexandre Caillard éprouva la désagréable sensation d’être
revenu quarante ans en arrière et de se trouver devant le
commissaire franquiste José Perez.
    Déstabilisé, sa superbe assurance en lambeaux.
    – J’ai reçu des menaces et je demande votre protection,
finit-il par dire la bouche sèche.
    L’autre arqua les sourcils.
    – À quel titre ?
    – Mais… mais c’est lié à nos activités… enfin, avec votre père,
bafouilla-t-il maladroitement. Et, comme vous êtes le
successeur…
    Le commandant eut un sourire ironique.
    – On vous aura mal renseigné, cher maître. Si vous
continuez de recevoir des appels anonymes et vous sentez menacé, je
vous conseille de vous adresser à la PJ. Je crains de ne rien
pouvoir faire pour vous.
    – Vous ne pouvez pas me lâcher…, protesta-t-il la voix
tremblante.
    – Je ne vous lâche pas, cher maître. Je ne vous connais pas,
c’est différent.
    – Mais…
    – Je n’assumerai pas les dérives du passé et je ne veux même pas
faire l’inventaire des crimes qui ont pu être commis sous couvert
de ce que vous nommez le « Service ». Je tourne la
page.
    Alexandre Caillard s’était senti humilié, outragé.
    Le pire affront qu’il n’eût jamais essuyé.
    Il eut un sursaut d’orgueil qui tourna court.
    – Mais…
    Il savait qu’il ne pouvait pas se dresser contre le
« Service ». Ceux qui l’avaient tenté en été sortis
anéantis, broyés – parfois au sens propre.
    En sortant du bureau du commandant Cavalier, Alexandre Caillard
prit conscience de sa solitude et de sa vulnérabilité.
    Sottement, il pensa appeler des amis journalistes. Mais que
pouvait-il leur révéler sans se condamner lui-même ?
    Et quel quotidien ou hebdo hexagonal oserait publier un dossier
sur le « terrorisme d’État » ? En éprouverait même
l’envie ?
    La levée de boucliers serait unanime.
    Seule la presse étrangère pouvait se permettre de mentionner
« le goût des dirigeants français – François Mitterrand,
notamment – pour le terrorisme d’État 2  »
sans encourir les foudres des bonnes âmes et se faire traîner en
justice pour diffamation.
    Et que pouvaient les anciens du « clan
Cavalier » ?
    Développer un pouvoir de nuisance pour tenter de déboulonner le
nouveau patron ?
    Alexandre Caillard était sans illusion.
    Chacun filerait doux. Ayant trop à perdre.
    En fin de compte, lui seul était dans la merde.
    S’il continuait sur cette pente, il allait finir parano.
    Après avoir imaginé que Pierre-Marie de Laneureuville en voulait
à sa peau, il en venait à présent à se demander si le commandant
Cavalier n’était pas le
deus ex machina
de cette
machination dont il était victime.
    Peut-être le fils Cavalier savait-il pour Lestrade.
    Mais qu’en avait-il à foutre ?
     
     
     
     
     
     
    11
     
     
     
     
     
    – Mon Minou, le téléphone a sonné plusieurs fois en fin
d’après-midi, mais, chaque fois que je décroche ça raccroche. Tu
pourrais m’expliquer ?
    Alexandre Caillard ne supportait plus cette voix doucereuse que
prenait sa femme pour l’asticoter sur ses prétendues conquêtes qui
devenaient, avec le temps, plus prétendues que réelles.
    Après cette journée de merde, il se sentit au bord de
l’explosion.
    Il reposa sa fourchette avec le morceau de viande qu’il
s’apprêtait à avaler sur le rebord de son assiette, ferma les yeux
et tenta de se rasséréner.
    – Mon Minou, minauda juste à ce moment son taré de fils en
ricanant bêtement.
    Il ne put s’empêcher de lui envoyer sa main dans la figure.
    Le taré se mit à couiner comme un goret que l’on égorge et se
leva d’un bond en s’emparant de l’assiette de blanquette de veau
pour la lancer à la tête de son père.
    D’une main incertaine, l’autre tenant plaquée sur le nez sa
serviette de table pour retenir le sang qui en pissait.
    Alexandre Caillard, quoique surpris, esquiva l’assiette avec
habileté.
    Dont le fracas contre la desserte au service de

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