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Sur le quai

Titel: Sur le quai Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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cristal fut
recouvert par le braillement strident de Dany qui hurlait en
trépignant et en portant les mains à ses oreilles.
    La bonne à tout faire ghanéenne contemplait ce spectacle de
sauvages bouche bée et les bras ballant le long de son tablier
blanc.
    – Je vais te crever, putain ! hurla le bâtard en
s’emparant d’une main tremblant de fureur du couteau à dessert.
    Maître Caillard, remparé derrière sa chaise, défiait son fils du
regard.
    – Parricide ! hurla-t-il.
    – Non ! cria Dany, flageolante, tout en tentant, mollement,
de s’interposer.
    – Vieux con ! cracha le fils.
    – Taré ! jeta le père en reculant d’un bon pas tout en
traînant la chaise devant lui.
    – Madame ! Monsieur ! supplia, en vain, la bonne.
    – Je vais te crever, fumier !
    – Essaie donc, connard ! surenchérit le père tout en
reculant à nouveau d’un bon pas.
    Son taré de fils n’était pas bien épais, mais son mètre
quatre-vingts déployé l’impressionnait.
    Il ne supportait pas que son bâtard le dominât de dix
centimètres par la taille.
    « Normal que le cerveau n’ait pas suivi », se
disait-il souvent pour rétablir l’équilibre.
    Le téléphone sonnait avec insistance depuis plusieurs
secondes.
    Soudain, chacun se figea dans son attitude.
    La bonne prit sur elle d’aller décrocher le combiné.
    Elle eut une moue dubitative en raccrochant quelques secondes
plus tard.
    – Y’a personne, dit-elle en haussant les épaules.
    Alexandre Caillard éprouva soudainement une forte lassitude et
ignora un ultime ricanement de défi de son fils.
    Il avait hâte d’aller s’enfermer dans son bureau. Seul havre de
paix dans cet appartement.
    Il l’avait conçu à l’identique du bureau de son cabinet. Pour
favoriser la concentration, avait-il prétendu.
    En fait, uniquement pour oublier, dès qu’il y pénétrait, qu’il
se trouvait dans l’appartement familial.
     
     
     
     
     
     
    12
     
     
     
     
     
    Il s’enfonça dans son fauteuil crapaud de cuir fauve, allongea
ses jambes devant lui et aspira lentement la première bouffée de
fumée de son barreau de chaise.
    Il l’avait choisi précautionneusement dans son humidificateur
marqueté de superbe facture qu’il s’était offert l’année précédente
pour fêter la conclusion heureuse d’un dossier difficile.
    Quand les choses allaient de travers, comme en ce moment,
c’était sa parade. Évoquer une affaire à l’heureux dénouement – et
il avait le choix !
    Il en oubliait les pressions, les coups tordus et autres
chausse-trapes qui lui avaient permis d’atteindre son objectif
quand le poids de sa renommée n’y suffisait pas.
    Il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus à mettre la main à
la pâte pour ce type de basses œuvres. Le « Service » y
pourvoyait.
    Ensuite, généralement, le « grand » Me Caillard
n’avait plus qu’à conclure. Pour les formalités.
    Sauf cette fois-là, dans cette affaire de fausses factures des
HLM de L’Avenir-Devant-Soi où il avait fallu que l’association de
locataires se constitue partie civile et se fasse représenter par
le seul avocat du barreau de Paris qui se prît pour Saint-Just.
    L’avocat borné par excellence. Inaccessible à toute pression –
même amicale – ou menace – feutrée, évidemment, entre gens de bonne
compagnie.
    Et il voulait la peau des « mis en examen ». Faire
témoigner trois ministres successifs. Rien que ça !
    Osant le menacer, lui, Me Caillard, de révélations
délicates !
    Le petit con. L’inconscient.
    Le type qui se trompait d’époque.
    Comment s’appelait-il, déjà ?… Ah oui ! Jérôme Mollar…
Avec un nom pareil, il avait de quoi être complexé. Ça expliquait
le personnage.
    À trente-cinq ans, il était resté un obscur de la profession et
il avait cru trouver là son heure de gloire.
    Alexandre Caillard ne l’avait croisé que deux fois.
    La dernière fois, en sortant du bureau du juge
d’instruction.
    Tout à coup, il se souvint que cet imbécile lui avait
lâché :
    – Toi aussi tu tomberas sous le métro.
    Merde, mais c’est vrai ! Pourquoi n’y avait-il pas pensé
plus tôt ?
    À l’époque, il avait demandé à François Cavalier de faire
« jouer » le « Service » car le type était
totalement incontrôlable et nuisible. Mais il n’avait pas établi
alors de rapport avec Jean Lestrade. Cette si vieille histoire.
    Et, depuis ces maudits coups de fil surgis du passé, pas

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