Sur ordre royal
blessé ? Ne risque-t-il pas de se casser une patte ?
— Les os des agneaux sont comme du beurre, lui assura-t-il en se hissant sur la barrière de bois del’enclos principal. Il suffit d’une attelle et tout rentre dans l’ordre. Emlyn pourrait le faire les yeux fermés.
— Quel homme est…
— Ah, Lloyd, vous voilà. Il était temps, dit l’un des bergers en désignant l’oreille d’un mouton qu’il tenait par sa toison. D’où vient celui-là ?
— Pencwmb, répondit Lloyd sans hésitation. C’est au sud, sur les terres de sire Ector, ajouta-t-il pour Roslynn. Il est venu de loin, ce mouton. Ça doit bien faire dix milles, ou plus.
Elle se demanda ce qu’ils feraient s’ils trouvaient l’un des moutons de Trefor parmi ceux de Llanpowell, mais elle jugea préférable de ne pas poser la question.
— Sans clôtures, je suis surprise que les moutons ne vagabondent pas dans tout le pays de Galles, dit-elle.
— En général, ils restent dans la région où ils ont été élevés, expliqua Lloyd. Les brebis paissent là où paissaient leur mère, et ainsi de suite. Quelquefois elles se déplacent, si elles sentent un renard ou un loup, et certaines sont des vagabondes, en effet, mais ce n’est pas courant chez les moutons.
— Roslynn !
Essuyant la sueur de son front de son avant-bras, Madoc vint vers eux avec peine à travers le flot vivant de brebis et d’agneaux. Lorsqu’il atteignit la barrière, il posa les mains dessus et, avec l’agilité d’une chèvre de montagne, la franchit d’un bond.
— Vous êtes donc venue, dit-il, les mains sur les hanches et un grand sourire sur le visage.
— Oui, nous sommes là, répondit-elle, haussant lavoix pour se faire entendre par-dessus les bêlements des bêtes.
— Lloyd-y-Brawd ! appela un autre homme dans l’enclos, désignant un autre mouton.
— Cwm Myrmydden, répondit Lloyd avec une assurance sans faille.
Il se tourna vers Roslynn.
— Par Dieu, cela fait des années que nous n’en avons pas eu un de là-bas.
De son côté, elle s’efforçait de chasser les pensées lascives qui assaillaient son esprit depuis qu’elle avait aperçu son époux. Et à en juger par l’expression de ses yeux, il fournissait le même effort de son côté.
Soudain, il se produisit des remous dans la chaîne des hommes qui se passaient les agneaux. Un agneau au museau noir et à la patte tordue avait réussi à se libérer de l’homme qui le tenait. Malgré son handicap, le petit animal fonça vers l’enclos des brebis, se dirigeant droit sur Roslynn. Il l’avait presque atteinte lorsqu’il fut entouré par des chiens de berger. Effrayée et ne sachant plus que faire, la pauvre petite bête s’arrêta, bêlant comme si elle appelait désespérément sa mère.
Ignorant les chiens, Roslynn s’empressa de prendre l’agneau tremblant et terrifié dans ses bras. Le berçant contre elle, elle lui caressa le dos pour le calmer.
— Le pauvre est complètement épouvanté, dit-elle en se tournant pour faire face à son époux.
Au lieu de se montrer compatissant, Madoc le lui prit des bras d’un air sombre et le déposa rudement dans l’enclos des agneaux.
— Je ferais mieux de me remettre au travail, maugréa-t-il.
Il sauta de nouveau par-dessus la barrière et s’éloigna d’eux le plus vite possible à travers la mer de moutons.
— Qu’ai-je fait de mal ? demanda Roslynn, perplexe, par-dessus les bêlements des bêtes. Je n’aurais pas dû le prendre ?
— Je pense que vous avez pris Madoc de court, c’est tout, répondit Lloyd.
— En attrapant un agneau ? Je suis peut-être une dame, mais…
L’oncle de Madoc secoua la tête.
— Ce n’est pas ça. Je ne sais pas exactement ce qui est passé par la tête de mon neveu, mais vous voir avec cet agneau dans les bras… Eh bien, on aurait dit que vous teniez un bébé. Je l’ai pensé, alors peut-être l’a-t-il pensé aussi.
— Pourquoi en aurait-il été fâché ? Madoc dit qu’il veut d’autres enfants.
— Sans nul doute. C’est probablement juste que la surprise l’a déconcerté et lui a rappelé Gwendolyn, vous voyez, et la façon dont elle est morte. Dieu nous garde, ma dame, je ne l’ai jamais vu aussi bouleversé que ce jour-là. Madoc est un homme fort, mais il ne l’a pas été à cette occasion.
— Comment sa première femme est-elle morte ? demanda Roslynn aussi bas que possible. Personne ne me l’a jamais dit.
— En
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