Sur ordre royal
pour demander à Hywel ce qui s’était passé, quand elle aperçut un parchemin par terre, près du mur, qui semblait avoir roulé de la table.
Elle le ramassa, constatant qu’il n’était pas poussiéreux, et donc qu’il avait dû tomber récemment. Mais alors qu’elle s’apprêtait à le poser sur la table avec les autres, ses yeux se posèrent sur la dernière ligne d’écriture.
Le nom du marchand de vin qui avait livré plusieurs tonneaux la veille y figurait. Elle l’avait vu arriver depuis le seuil du cellier où l’on gardait les pommes. On ne pouvait d’ailleurs pas le manquer tant il était massif et parlait fort. Toutefois, c’était un homme fort amusant et, bien qu’elle ait beaucoup à faire, elle s’était attardée un moment pour écouter ses échanges joviaux avec Lloyd. Et elle avait noté le nombre de tonneaux, voulant être sûre qu’ils en aient assez en réserve. Elle en avait compté vingt-cinq.
Or le nombre inscrit sur le parchemin était trente, et la somme figurant à côté correspondait au prix de trente tonneaux, pas de vingt-cinq.
Elle était sur le point de dérouler davantage le parchemin lorsqu’une ombre tomba sur la table. Ivor venait d’entrer dans la pièce et, une expression perplexe sur le visage, il se penchait par-dessus l’épaule de Roslynn.
— Avez-vous besoin de quelque chose, ma dame ?
— J’étais venue vous dire que je vais voir les moutons avec Lloyd, répondit-elle, résistant à l’envie de glisser le parchemin dans sa manche. J’ai trouvé ceci par terre,comme cela ne vous ressemble pas, j’en ai déduit que vous aviez été appelé en urgence. Vous êtes l’homme le plus soigneux que j’aie jamais rencontré.
— Il y a eu une querelle entre les palefreniers qui devait être réglée avant qu’ils n’en viennent aux mains, ce qu’ils ont presque fait, expliqua Ivor tandis qu’elle reposait le rouleau sur la table. Y a-t-il autre chose, ma dame ?
— Non, dit-elle en se dirigeant vers la porte. Je devrais être de retour bien avant que les hommes n’aient terminé.
Alors qu’elle quittait l’intendant, Roslynn tenta de se convaincre que la différence qu’elle avait repérée dans les comptes était simplement une erreur. Elle aurait d’ailleurs dû attirer l’attention d’Ivor dessus afin qu’il la corrige.
Malheureusement, elle ne pouvait se débarrasser d’un soupçon qui persistait. Ivor était un homme méticuleux, pas du genre à commettre cette sorte d’erreurs d’inattention.
Et si c’était quelque chose de plus sinistre ?
Elle n’avait découvert cette différence que par hasard, car elle laissait toujours Ivor surveiller les livraisons. Elle devrait se montrer plus vigilante à l’avenir et, chaque fois qu’elle le pourrait sans éveiller les soupçons de l’intendant, tenir son propre décompte des marchandises livrées, afin de pouvoir comparer par la suite ses propres chiffres à ceux d’Ivor.
Elle espérait tout de même qu’elle se trompait. Après tout, même le plus attentif des hommes pouvait commettre une erreur.
Et puis, si elle avait raison, elle devrait avoir la preuve qu’une infraction avait été commise avant d’accuser de vol l’ami en qui Madoc avait le plus confiance dans le château.
***
Quand Roslynn et Lloyd arrivèrent aux enclos un peu plus tard dans la journée, la première moitié du troupeau avait déjà été descendue de la montagne jusqu’à la rivière, mais les brebis et les agneaux n’avaient pas encore été séparés.
Les hommes, fort occupés à cette tâche, répondirent brièvement aux salutations de Lloyd puis se remirent au travail. Ils formaient une chaîne depuis le grand enclos qui contenait tous les moutons jusqu’à un plus petit pour les agneaux. Madoc lui-même, à demi nu et transpirant comme Roslynn s’y attendait, se trouvait dans l’enclos avec les moutons, et elle le regarda avec un mélange de stupeur et d’admiration se pencher pour attraper un agneau par sa toison et le lancer adroitement par-dessus la barrière à l’homme qui se tenait juste derrière. Celui-ci le passa au suivant et ainsi de suite jusqu’à l’enclos réservé aux agneaux effrayés et bêlants, où le dernier des hommes le jeta au milieu des autres. Pendant ce temps, Madoc en avait déjà attrapé un autre et le lançait de la même façon.
— Et s’ils laissent tomber un agneau ? demanda Roslynn, stupéfaite, à Lloyd. Ne sera-t-il pas
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