Sur ordre royal
couches. On n’a pas pu arrêter les saignements après la naissance d’Owain.
Roslynn porta instinctivement les mains à son ventremais s’arrêta à temps, de crainte de trahir ses espoirs. Ce n’était pas un secret que des femmes mouraient en donnant le jour, et cette inquiétude affectait le bonheur qu’elle éprouvait à l’idée de donner un enfant à Madoc. Apprendre qu’il avait déjà perdu une épouse de cette manière… Cela rendait la menace encore plus palpable, bien que maintes femmes mettent des enfants au monde sans problème, se rappela-t-elle pour se rassurer.
Ce drame expliquait peut-être pourquoi le fils de Madoc ne vivait pas à Llanpowell, où il lui aurait rappelé en permanence celle qu’il avait perdue et la façon dont elle était morte. Madoc ne serait pas le premier père à trouver la vue d’un tel enfant difficile à supporter.
— Aussi, à votre place, je n’accorderais pas trop d’importance au changement qui s’est produit en Madoc à l’instant, conclut Lloyd. De mauvais souvenirs, j’en suis sûr. Rien de plus.
Son regard se fit spéculatif, et éloquent.
— Un bébé né dans de bonnes conditions aiderait à coup sûr à vaincre ces mauvais souvenirs.
Roslynn était toujours déterminée à ne dire à personne qu’elle était peut-être enceinte avant d’en être certaine, et elle tenait à ce que Madoc en soit informé le premier. Aussi répondit-elle simplement :
— Dans ce cas, espérons que je porterai bientôt un enfant et que tout se passera bien.
***
Madoc fit rouler ses épaules, puis cambra le dos pour atténuer la douleur de ses reins tandis que les derniers des moutons lavés remontaient sur la berge de l’étangartificiel. La journée avait été longue, comme toujours, et il était content d’en voir la fin.
La plupart des hommes qui avaient aidé à rassembler et à laver les moutons étaient déjà rentrés au château pour y être nourris, y compris son oncle. Madoc était resté jusqu’au bout en partie parce qu’il estimait que c’était son devoir, mais aussi parce qu’il voulait avoir un peu de paix et de tranquillité sur le chemin du retour, afin de mieux réfléchir à la façon dont il avait rabroué Roslynn et à ce qu’il lui donnerait comme explications.
Il avait vu son choc et son désarroi devant sa réaction, et plus spécialement l’expression tendre et maternelle de son visage tandis qu’elle essayait de rassurer le petit animal. Il s’était immédiatement représenté un bébé à la place de l’agneau, un bébé aux cheveux châtains et aux yeux noisette, comme elle. Ou aux yeux bleus comme Owain, s’il ressemblait à son oncle Trefor.
Mais après l’impact que cette vision avait produit sur lui, et après avoir parlé si brusquement à sa femme avant de la quitter de manière abrupte, était venue une nostalgie si puissante que cela l’avait frappé comme un rocher roulant le long d’une montagne.
Cette nostalgie avait été suivie de culpabilité, de peur, du souvenir de Gwendolyn mourante, de la promesse qu’il n’avait pas tenue.
Ivor, qui ne participait jamais au rassemblement des moutons à cause de sa jambe, vint vers lui en boitant rapidement.
— Qu’y a-t-il ? demanda Madoc.
Il se hâta de le rejoindre, redoutant qu’une catastrophedomestique n’ait mis cette expression lugubre sur le visage de son intendant.
— Dame Roslynn vous a-t-elle parlé du coût du repas d’aujourd’hui et du banquet à venir ? demanda Ivor.
— Non, pas encore, répondit Madoc.
— C’est une énorme somme d’argent, Madoc, beaucoup plus que ce que nous n’avons jamais dépensé auparavant, dit Ivor en s’arrêtant devant lui.
La nouvelle était assez déconcertante.
— Combien de plus ?
— Deux cents marcs, et ce n’est peut-être pas tout.
Madoc le fixa, atterré.
— Pourquoi autant ? Les prix ont-ils augmenté ?
— Ce ne sont pas les prix, c’est la nourriture que veut dame Roslynn, et la quantité. Des anguilles, du saumon et d’autres poissons par paniers. Assez de farine, et de la meilleure, pour durer un mois ou plus. Et le vin… Madoc, rien que le prix du vin vous ébranlera.
Il était déjà ébranlé.
— Pourquoi ne m’en avez-vous pas parlé plus tôt ?
— Parce que vous m’avez dit que votre épouse devait agir à sa guise dans cette affaire, et que je ne voulais pas causer de problèmes entre vous. Mais quand j’ai vu le montant total ce
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