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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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Expeditionary Forces – Quartier général suprême des forces alliées expéditionnaires) et des ampoules de 100 watts, merveilleusement utiles.
    Mes camarades de bloc rentraient le soir pour le dîner et tenaient à parler entre eux. Il était normal qu’après toutes ces années de peur et d’oppression, ils veuillent s’entendre et s’exprimer librement. C’est ainsi qu’ils me révélèrent des choses intéressantes. J’appris par exemple que les têtes pensantes de la résistance de Buchenwald formaient ce qui s’appelait le « Comité international du camp ». Ses membres, au moment de la libération du camp, étaient essentiellement des représentants allemands et français de la gauche, des hommes expérimentés dans l’organisation et la tactique de la clandestinité. Son arsenal secret se composait de quelques fusils, de pistolets, de masques à gaz et de jumelles. Mais à l’instant où le célèbre drapeau blanc avait été hissé, nos forces s’étaient dotées de fusils-mitrailleurs et de mortiers. Aujourd’hui, le Comité était la plus haute instance du camp et sa direction se composait de membres issus de toutes les nations. Le chiffre de ses forces armées tournait autour d’une centaine de détenus.
     
    Nous patrouillions tous les environs pour capturer d’anciens SS et chercher des dépôts cachés des nazis. Des camions, chargés d’aller chercher le ravitaillement, allaient jusqu’à Erfurt et Iéna. La population – pour des raisons qui n’étaient pas seulement politiques – ne faisait rien pour nous mettre sur la voie de ces dépôts jalousement gardés, mais à force de sillonner les forêts et les caves, nous les trouvâmes et il y en avait une quantité. Une grotte, dont la population locale semblait réellement ne pas connaître l’existence, recelait des vins pillés dans les caves de France. Une autre était remplie de poulets en conserve, provenant de Hongrie.
    Il paraissait que le Revier , qui désormais était tenu par les Américains, distribuait de la soupe au lait avec des nouilles. J’adorais le lait et tout ce qui était sucré, et j’étais fasciné à l’idée de voir des soldats qui avaient traversé l’Atlantique. Le lendemain matin, de peur de rater la distribution, je descendis de bonne heure vers les blocs de malades. Je me rendis à la cuisine du Revier , et m’assis par terre, attendant.
    Un futé me dit : « C’est trop tôt. Ils n’arrivent pas au travail avant huit heures, n’apportent le lait que vers huit heures et demie et ne le préparent pas avant neuf heures et demie. S’ils ont fini autour de dix heures, on pourra dire qu’on a eu de la chance – j’ai l’habitude. » – « Peu importe, gamin, ça vaut la peine, lui dit un autre, que la calvitie naturelle et quelques dents manquantes faisaient paraître plus âgé qu’il ne l’était en réalité, tu sais, c’est fait avec du beurre, et puis en principe, ce n’est que pour les malades. »
    Par pur ennui, je me mis à observer la porte du Revier et tout ce qui y rentrait, juste histoire de rompre la monotonie de l’attente. Je regardai avec insistance le garde américain, qui avait l’air solitaire et l’inspectai de la tête aux pieds, comme si j’avais été son supérieur : ses lacets, son pantalon qui était refermé aux chevilles par une bande, son ceinturon de munitions porté un peu bas et incliné sur la hanche, sa chemise de soldat de couleur marron flottant au vent, sa figure sympathique et son casque en forme d’œuf – tout aussi sympathique que lui. J’entendis alors le bruit de moteurs et vis quelques véhicules sanitaires de l’armée rouler à toute allure sur la rue du camp, dans un nuage de poussière. « Les voilà qui arrivent, dit Monsieur Je-sais-tout. Eh oui, il est huit heures. Dans une demi-heure, ils vont apporter les bidons de lait. » Le garde, qui avait l’air un instant auparavant indolent et indifférent, se redressa au garde-à-vous et fit le salut. L’infirmerie s’agitait.
    Je vis par la suite des médecins en blouse blanche, qui parlaient américain, suivis d’autres voitures sanitaires, qui arrivaient. Dans l’une d’elles, quelqu’un indiquait le chemin – et j’avais l’impression de l’avoir déjà vu quelque part. C’était un type massif, avec la peau flasque et des lunettes. Bonté divine ! C’était ce détenu « docteur en criminologie », ce Berlinois, dont je n’avais su que penser, lorsque

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