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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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ferronnerie ancienne, qui ornait le tuyau. Quelques-uns parmi nous, encouragés par nos applaudissements enthousiastes, se déshabillèrent, sautant tout nus dans « l’étang » et nous crièrent, en plongeant comme des canards, la tête piquée et le derrière en l’air : « Dès que vous voyez une femme passer, vous lui dites, qu’on est des canards ! » – « D’accord, et qu’est-ce qu’on dit aux canards ? » – « À eux ? D’aller se faire frire ?! » À ce propos, aucun des occupants qu’on pouvait habituellement admirer sur un étang ne daignait montrer le bout du bec. Peut-être avaient-ils eu peur de ces monstres, qui se prenaient pour des canards ? Ou peut-être avaient-ils échangé l’eau froide de leur pièce d’eau contre l’intérieur grésillant d’une poêle chaude ?
    Comme mes copains ne partageaient pas les mêmes goûts que moi, j’allais vagabonder tout seul. J’avais toujours été curieux de tout, j’adorais observer tout ce qu’il y avait autour de moi, et désormais depuis que nous étions libérés, je pouvais m’adonner à mon hobby préféré, sans que personne ne vienne me déranger.
    Je découvris ainsi que la population locale avait peur et que les gens se plaignaient que nous les maltraitions. S’ils voulaient dire par là, que nous réquisitionnions leurs œufs, leur lait, leur beurre et leurs pommes de terre, ils avaient tout à fait raison. En effet, les cuisines du camp avaient un besoin urgent de produits frais pour nourrir les nombreux malades et nous nous chargions d’aller nous les procurer, au besoin, au moyen du chantage. Je reconnais qu’il y eut quelques violences de commises contre la population allemande, mais je n’avais jamais entendu parler de crimes. Les cadavres, c’était à Buchenwald qu’on les trouvait. Car aujourd’hui encore, les gens mouraient d’épidémie, d’épuisement et de malnutrition.
    Un jour, je croisai une vieille femme à l’air grincheux, portant un seau beaucoup trop grand et trop lourd pour elle. J’avais décidé que l’heure était également venue pour moi d’aller lui chercher des noises. « Pourriez-vous me dire, lui demandai-je d’un air faussement naïf, où je pourrais trouver des œufs ici ? » – «  Da kommen Sie zu spät, die sind alle schon weggestohlen. Mit Ihnen kann man ja reden, Sie sind ja selbst Deutscher.  » (« Vous arrivez trop tard, ils ont déjà tous été volés. À vous, je peux bien le dire, puisque vous êtes allemand. ») J’étais tellement abasourdi par la franchise inattendue de sa réponse, que j’en oubliai momentanément les œufs. « Vous », elle m’avait vouvoyé ! Lorsque j’avais quitté l’Allemagne pour emménager dans le monde des barbelés, on me disait « tu », j’étais un enfant. Maintenant on me disait « vous », j’étais un homme. Là-dessus, elle me fit ses confidences, puisqu’elle croyait avoir un compatriote en face d’elle.
    « Non, lui dis-je d’une voix ferme, je ne suis pas allemand, je viens de Buchenwald. » – «  Ja, Sie sehen aber vertrauenswürdig aus (Oui, mais vous avez l’air de quelqu’un de bien.) Expliquez-moi, pourquoi on nous traite si mal ici ? Qu’est-ce qu’on a fait, nous, petites gens de la campagne, pour mériter une chose pareille ? » – « Rien, vous n’avez absolument rien fait. Pendant huit ans, vous avez vécu à côté de Buchenwald et vous vous êtes bornés à regarder. » – « Mais que vouliez-vous qu’une vieille femme comme moi fasse ? J’arrive à peine à porter mon seau d’eau ! Toute ma famille m’a abandonnée. Cochons, chèvres, poulets, on m’a tout volé ! Les SS, les Américains, vous autres, vous êtes tous venus piller. »
    Elle me fit tout un chapelet de doléances. Ce qu’elle oubliait, c’est que c’étaient précisément ses enfants qui en étaient la cause. J’avais devant les yeux un horrible épouvantail, un monstre, incapable dans son impuissance du moindre discernement. Il fallait que je m’en aille d’ici.
    « Bon, je suis pressé, fis-je en l’interrompant. Donnez-moi le seau, je vais le porter. » – «  Danke, danke, Sie sind sehr anständig (Merci, merci, vous êtes vraiment bien). Vous voulez venir chez nous, ce soir ? J’ai une amie qui vient, une jeune femme, qui j’en suis sûre, vous plaira beaucoup. » – « Non, merci. » J’avais vu assez de villageois pour aujourd’hui. Je lui portai le seau près

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