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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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revivre en dessins ces scènes du quotidien et des jours derniers – l’arrivée au camp, la sélection, les barbelés à l’infini, les châtiments, le travail, la nourriture, les appels, l’hiver, les révoltes, les potences, les évacuations, les « Katyusha » – et je les garderais en souvenir.
     
    Cette fois encore, le Kino de Buchenwald était bondé. D’habitude, nous nous réunissions pour regarder des films américains en Technicolor, bien que nous ne comprissions pas grand-chose en version originale et que cet univers glamour nous demeurât un monde étranger. Mais ce jour-là, nous nous retrouvions pour quelque chose de bien différent. Un service religieux juif était célébré à la mémoire des victimes. Un rabbin de l’armée, un Américain venu de son lointain quartier de Brooklyn, distribuait des petits livrets de prières en format de poche. De chaque côté de l’autel improvisé, de hautes bougies brûlaient, derrière lesquelles se tenaient des soldats américains juifs, en uniforme marron. Étreints par l’émotion et en profonde communion de pensée, les survivants de la communauté juive d’Europe se retrouvèrent dans la salle. Nombreux étaient ceux qui avaient presque oublié leur héritage historique. Mais aujourd’hui, la journée était consacrée au souvenir. Nous voulions tous rendre hommage et remercier tous ceux qui s’étaient battus pour notre libération. Nous avions tous des membres de notre famille pour qui prier.
     
    Lorsque le trafic ferroviaire fut de nouveau assuré, nous décidâmes immédiatement de descendre, afin de connaître Weimar. C’était un si grand plaisir et une si grande fierté pour nous de marcher sur les trottoirs d’une ville, comme n’importe quel homme libre, que peu nombreux furent ceux qui s’en abstinrent. Jour après jour, nous nous levions tôt, nous dépêchions d’aller jusqu’à la gare, sautions dans les wagons de la ligne à voie étroite, nous entassions dans les compartiments étouffants, parce qu’ils étaient bondés, et roulions en direction de la ville : les chanceux chantaient dans les compartiments, les retardataires, debout sur les trépieds, s’accrochaient ou tenaient en équilibre sur les toits.
    Une fois arrivés, nous nous rendions quelques kilomètres plus loin à l’office central des cartes alimentaires, faisions la queue et nous faisions enregistrer pour obtenir un ticket d’alimentation et une petite somme d’argent. Ensuite, nous partions flâner et nous nous retrouvions plus tard dans un restaurant, un parc ou au bordel.
    Je m’étais arrêté pour me reposer devant un grand bâtiment abandonné, entre la gare et des petites rues du centre et me trouvai en face de longues rangées de colonnes cannelées, qui semblaient me fixer. Quelques-unes soutenaient des linteaux, certaines se dressaient dans le vide, d’autres étaient aux trois quarts, à moitié ou au quart terminées. Cela ressemblait à l’ébauche de l’Acropole – que j’avais vue un jour en photo dans le livre d’histoire d’un ami, plus âgé que moi – mais peut-être était-ce l’une des immenses nécropoles prévues par Hitler.
    Je voulais absolument me gagner un peu d’argent de poche et cherchais des petits boulots à faire, n’importe quoi : manier une scie, un marteau, un ciseau à bois, n’importe quoi. Je fus distrait de mes pensées par des airs de jazz, que jouait non loin de là une sono de l’armée américaine et quelle ne fut pas ma surprise ! Dans la cour d’un tailleur de pierre, je découvris une boule, d’aspect sombre, posée sur un support, qui s’avéra être un buste en bronze d’Hitler. Je m’approchai pour voir ce dont il s’agissait exactement, lorsque j’entendis une grosse voix de basse américaine qui m’en empêcha : « Reste pas là, gamin ! » Je me retournai en sursautant et vis, assis sur un autre support, un immense Noir en uniforme, avec le nez épaté. « Retourne dans la rue. » Une fois sur le trottoir, je détournai les yeux de l’effigie de métal aux cheveux raides qu’était la tête d’Hitler, pour regarder attentivement celle, plus charnue et aux cheveux crépus de son soi-disant « gardien ». Je n’avais encore jamais vu quelqu’un comme lui, sauf au cirque. Il bougeait le corps en suivant le rythme de la mélodie et chantait quelque chose comme «  loving ‘ye Baby  ». « Bizarre », me disais-je, lorsque je le vis mettre une balle dans son

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