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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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j’étais à Auschwitz en 1944, car il avait semblé à la fois savoir tant de choses et être complètement désemparé. « Docteur Auerbach ! criai-je. Docteur Auerbach ! » La voiture sanitaire freina. « Qu’est-ce qui vous prend de crier ainsi ? Qu’est-ce que vous me voulez ? » – « Vous ne me reconnaissez plus, Auerbach ? Mais nous étions ensemble à Auschwitz, ensemble, avec Gert ! Gert l’Effronté ? vous ne vous souvenez plus ? Quand vous êtes arrivé là-bas et qu’on vous racontait tous les soirs comment se passait la vie au camp. » – « Non, aucun souvenir. Drive on * 2 . »
    La voiture redémarra. Oui, maintenant je me souvenais très bien de tout : le docteur en criminologie – 1943 – dans une voiture qui, au lieu d’être marron mat, était vert étincelant, sauf que le chauffeur d’alors portait le casque à pointe de la police de Berlin, non pas un joli casque tout rond, comme ceux de l’armée américaine – et qu’à la place des croix rouges, il y avait des croix gammées ! Pas étonnant que Herr Doktor n’ait pas souhaité qu’on lui rappelle le passé, les jours sombres à Auschwitz, où l’on voyait les flammes des crématoires brûler à l’horizon, les soirées où il pavanait avec ses histoires d’indicateur de la police.
    Mais peut-être m’étais-je trompé aussi. Je demandai à quelqu’un comment s’appelait ce gros homme, très occupé. « C’est Auerbach, me répondit-on, le docteur Auerbach, officier de liaison du corps sanitaire américain. »
     
    Le temps passait. Le district était désormais administré par les Américains et les groupes de détenus-résistants avaient rendu leurs armes. Différentes délégations alliées venaient pour visiter et étudier les horreurs commises dans les camps de concentration allemands. Elles regardaient les crématoires, voyaient les laboratoires où les détenus avaient été scalpés, écorchés pour faire des lampadaires de leur peau, où des têtes avaient été réduites ; elles écoutaient les explications fournies sur les mécanismes du fonctionnement des chambres à gaz et découvraient la toise de bois avec un trou, destinée, pendant la visite médicale, à tuer d’une balle dans la nuque les « prisonniers de guerre* 3  » soviétiques, sans qu’ils se doutent de rien. Ces messieurs dames des délégations étaient sous le choc. Ils arrivaient, une fois la bataille finie et la victoire remportée ! Tous leurs concepts sur la civilisation occidentale étaient à revoir.
    Mais où étaient-ils ? Que faisaient-ils donc, ces humanitaires si occupés, lorsqu’en 1937 Buchenwald s’était créé ? Même à la fin de notre combat – huit ans plus tard –, nos visiteurs-qui-ne-nous-voulaient-que-du-bien n’avaient pas été capables de faire preuve de la moindre efficacité, sous prétexte qu’ils s’en étaient entièrement remis à leurs collègues allemands. Douze ans pour comprendre la réalité des camps de concentration ! Quatre ans pour prendre conscience de la politique d’extermination d’Hitler pendant les années de guerre ! Mais saisiraient-ils jamais de toute leur vie, les bouleversements qui, depuis, s’étaient opérés en nous et dans le monde ?
     
    Les Américains décidèrent également de faire venir la population allemande des environs. Ils rassemblèrent les gens à Weimar et d’autres villes, les firent monter dans des camions pour les conduire sur la place d’appel, où ils durent écouter les explications d’un officier américain, amplifiées par un haut-parleur. Les gens suivaient alors le véhicule avec son haut-parleur sur un parcours à travers tout le camp et passaient devant nos misérables baraques, comme s’ils étaient en pèlerinage ou allaient à un enterrement. Certains semblaient être ici comme s’il s’agissait d’une excursion agréable à la campagne. Des jeunes filles en jupe courte ricanaient bêtement, mais je me disais qu’elles étaient trop jeunes pour être vraiment méchantes et songeais qu’elles manquaient simplement de tact. Ceux qui m’énervaient vraiment étaient ces gens sans vergogne, qui avaient osé venir, vêtus de leur uniforme nazi de la police et des chemins de fer. Si leur répugnance devant le rappel de certaines horreurs du nazisme avait vraiment dépassé leur vanité professionnelle, ils se seraient abstenus. Mais pas du tout ! Ils n’avaient même pas jugé utile d’enlever leurs insignes

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