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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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de sa petite maison, recouverte de lierre, le posai à côté de son portail de jardin, qui tombait en ruine, et m’en allai.
    Un peu plus tard, je rencontrai un ancien détenu allemand, qui venait chercher différentes choses. « C’est écœurant, me dit-il, je suis assailli par les plaintes des gens du village. Ces gens trouvent qu’en tant que compatriote, je devrais prendre position pour eux. Oui, je suis leur compatriote. Mais ils oublient qu’en tant qu’Allemand précisément, j’en sais beaucoup plus long sur Buchenwald et les nazis que tous les camarades étrangers, dont ils se plaignent. Vraiment, même s’ils geignaient moins, je ne voudrais pas leur venir en aide. Quand je pense à ce qu’ils disaient en 1933 ! Je m’en souviens. Quel dommage que tous ces gens qui ont peur aujourd’hui soient des simples paysans, des gens insignifiants, alors que tous ceux qui étaient plus influents et avaient une position, ceux-là sont tous partis. Et crois-moi, ils savaient pourquoi ils partaient ! Il n’y avait juste que Buchenwald qu’ils ne connaissaient pas, les crapules ! »
    Sur le chemin du retour, je vis un groupe de Russes et de Polonais, apparemment très excités. J’allai voir ce qui se passait et demandai : « Mais qu’est-ce qui se passe ? » Entre eux gisait à terre un homme, vêtu de ce qui avait dû être un uniforme. « Interprète ! Gamin ! Viens par ici ! Viens nous traduire ! » J’avais sous les yeux l’image recroquevillée et sale d’un homme qui gémissait, tremblant de peur : «  Italiano, Italiano kaputt, kaputt !  » Il prétendait ne pas comprendre un mot d’allemand. Cependant, lorsqu’il m’entendit parler allemand, il fouilla dans la poche de sa veste qui était déchirée et gémit : «  Documento, documento.  » On me tendit un carnet de soldes de l’armée, crasseux et humide de sueur, qui venait d’une unité auxiliaire allemande et mentionnait pour la nationalité : « italienne ». Je lui dis, qu’il se trouvait sur la zone de Buchenwald que nous avions nous-mêmes gérée, avant que n’arrivent les principales unités de combat de l’armée américaine, et qu’il était en état d’arrestation, afin que son identité pût être vérifiée. Mais il ne sembla pas comprendre grand-chose à ce que je tentais de lui expliquer.
    Lorsque nous l’emmenâmes, il commença – dans un effroyable sabir italo-allemand – à nous livrer une autre version de ses jérémiades : «  Italiano nix tun, Italiano kaputt, nix tun  » (« rien faire, Italiano kaputt , rien faire »). Cela pouvait signifier deux choses : soit que lui-même n’avait rien fait, soit que nous ne devions rien lui faire. En tout cas, il était clair qu’il n’était plus un fier allié des nazis, mais plutôt «  kaputt  ».
    Lorsque après son arrivée au camp, il fut emmené par deux escortes armées habillées en tenue de déportés, il faillit s’évanouir. Il aurait mérité qu’on l’embroche comme tous les porcs fascistes de son espèce, mais les fiers vainqueurs et les jeunes gardes armés, pleins d’enthousiasme que nous étions, observaient une stricte discipline militaire. Aussi fut-il simplement envoyé rejoindre – dans une cage en fil de fer de clôture – les officiers, SS et fonctionnaires nazis qui avaient été capturés pendant les combats ou qui étaient sortis de leurs cachettes, sans savoir encore qu’ils étaient vaincus. Mais si son amour pour l’armée était aussi grand que celui de ses collègues allemands, il allait s’y sentir à l’aise.
     
    Les premiers de nos camarades à rentrer furent les Français, dont le gouvernement avait envoyé des autobus et des avions pour les rapatrier. Nous fûmes transférés dans les casernes SS ou dans les blocs du Grand camp et je fus envoyé au bloc 29, le bloc des détenus politiques allemands. C’était l’un des baraquements les plus anciens du camp, et il faisait aujourd’hui un peu office d’hôtel. Ses occupants – quelques anciens détenus allemands de fonction, les Lagerprominenzen – , ainsi que quelques personnalités marquantes d’avant 1933, passaient la plupart du temps hors du bloc, soit qu’ils étaient dans les bureaux de l’administration, soit qu’ils avaient à faire à l’extérieur du camp.
    Dans notre nouveau confort, nous avions des armoires, de belles couvertures propres, des livres, des piles de journaux du S.H.A.E.F. (Supreme Headquarters Allied

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