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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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qu’une question d’heures.
    Dans la semaine qui suivit le 1 er  mai, nous eûmes des tas de fêtes d’adieu, et les détenus de toutes les nationalités quittaient le camp les uns après les autres, se souhaitant – et nous souhaitant – bonne chance.
    Les détenus allemands quittèrent Buchenwald, après s’être réunis une dernière fois dans une immense pièce au sol de béton, qui se trouvait près de la buanderie. Quelques-uns, qui avaient déjà quitté le camp, revinrent à cette occasion avec des membres de leur famille. Nous mangions, buvions, écoutions des chansons et regardions des sketchs, et il y eut un moment tout particulièrement émouvant : « Et maintenant, nous dirent quelques anciens détenus allemands, en tenue de déportés, qui étaient montés sur scène, nous allons vous chanter quelque chose de nouveau, que nous avons composé nous-mêmes. » Le visage prématurément vieilli et marqué, leur matricule trahissait qu’ils avaient passé près de huit ans à Buchenwald : des vétérans parmi les vétérans. Ils avaient fondé ensemble une chorale et voulaient nous en faire la surprise.
    «  … Unsere Strasse fährt zurück,
    Wir kommen wieder, Kameraden, unverzagt!  »
     
    Nous avions presque tous les larmes aux yeux et certaines femmes sortirent. Le chemin nous ramènera , disait le refrain, /  Nous reviendrons, Camarades, rien ne nous abattra !
    La fête d’adieu de nos camarades russes eut lieu dans l’ancien théâtre SS. Je parvins en toute dernière minute à me faufiler à l’intérieur et à me trouver une place libre, en me tenant en équilibre sur une balustrade. Sur scène, des chanteurs, des danseurs et des acrobates accomplissaient des merveilles et je soupçonnai que certains de ces talents venaient de l’extérieur. Le public était en sueur et accompagnait d’applaudissements scandés, de cris et de sifflements ces danses tourbillonnantes, absolument époustouflantes de virtuosité. Tous ou presque – à l’exception des invités d’honneur assis aux premiers rangs et de ceux qui, comme moi, devaient se tenir aux balustrades – étaient délirants d’enthousiasme. Vers la fin de la soirée, le public tout entier se mit à chanter avec les artistes.
    La salle vibrait au chœur des chants de l’Armée rouge – il y eut le chant de la cavalerie, de l’armée de l’air, des Katyusha, et celui des Partisans. Je vibrais moi aussi et repensai à tous ces adolescents russes, avec lesquels nous avions chanté ces airs deux froids et durs hivers durant, au camp. Qu’étaient-ils devenus, ceux qui, étendus sur leurs paillasses, rêvaient de la libération en les écoutant ?
    Mes anciens camarades du bloc 66, les Juifs polonais, préparaient eux aussi leur soirée artistique. Tout le programme était en yiddish et les chants étaient les mêmes que ceux que j’avais déjà entendus. Mais le clou fut les tableaux vivants, et notamment « La danse des machines » : des ombres chinoises, représentant des garçons au travail, dansaient dans une parfaite synchronisation avec la musique et tous en chœur, ils chantaient le refrain : Mais les machines n’ont pas de cœur / Elles ne connaissent pas de douleurs / Et à rire ne sont pas d’humeur .
    Les spectateurs étaient médusés. On comprenait très clairement que ces jeunes se battaient pour un avenir de liberté et de sécurité, qu’ils ne toléreraient plus d’être abandonnés et laissés dans l’ignorance. Un monde nouveau s’ouvrait et ils avaient cassé le moule de l’ancien.
    Un ami m’invita à venir au bloc 45 pour participer à la fête d’adieu des Autrichiens. « Ce sera très chaleureux, me dit-il, sans discours ni serments, mais plein de joie. » Je ne savais pas danser, mais je m’y rendis – essentiellement parce qu’il y aurait des pâtisseries.
    La fête eut lieu au deuxième étage du bloc, il y avait des violonistes, un groupe de jazz, de la bière, des lampions, des « montagnards » en culotte de cuir, et inévitablement des Américains, tout cela sur fond de plaisanteries et de gaieté ambiante « à la viennoise ».
    À la fin, les gens étaient complètement détendus et se mirent à danser. J’étais dans mon coin, sirotant ma bière, et je faillis m’endormir. Je décidai d’aller me coucher, lorsque j’entendis des cris, « Bravo, bravo ! ». La piste de danse fut vidée, laissant deux danseuses tsiganes, qu’on avait réussi à persuader de

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