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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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jour, je reçus une visite, la première depuis la fin de la quarantaine, d’un grand Polonais, très sympathique. « Je sais que votre chef de bloc n’aime pas que les étrangers viennent ici, mais il faut absolument que je te parle », me dit-il, lentement, dans un allemand hésitant. Avant qu’il ne m’expliquât plus loin de quoi il s’agissait, j’étais impressionné par son assurance. Nous nous mîmes dans un coin tranquille et il sortit un bout de papier bien plié en me disant : « Tiens, c’est pour toi. Donne-moi ta réponse demain, je viendrai à la même heure. Il faut que je m’en aille d’ici. Allez, au revoir, bonne chance ! »
    Lorsque je l’eus déplié en entier, je vis que le morceau de papier sale que je tenais entre les doigts, contenait en fait un message. Médusé, je regardai la signature. Pas de doute, il était écrit : « ta Maman ».
    J’étais rouge d’excitation. Tout le monde sut très vite la cause de mon bonheur, et je fus aussitôt entouré par des dizaines de camarades, qui se disaient mes meilleurs amis pour avoir plus de détails, mais surtout pour voir ce mot : « Maman ». Il y avait deux raisons immenses de se réjouir : quelqu’un avait retrouvé sa mère – la personne la plus chère qu’on pût avoir – et un noble ami avait risqué sa vie pour faire sortir clandestinement un message du camp des femmes de Birkenau.
    Le contenu de cette missive disait que la semaine suivante, quelques femmes, dont ma mère, passeraient devant notre camp. Presque tous ceux de notre chambrée qui ne travaillaient pas en kommando voulurent m’accompagner pour lui dire bonjour, car, plus encore que la « mère », ils voulaient apercevoir la « femme ». Ils n’en avaient plus vu depuis si longtemps. Mais, à leur grande déception, le chef de bloc, qui craignait des ennuis avec la SS, décida que j’irais seul, accompagné du chef de chambrée.
    Après une interminable semaine d’attente, nous partîmes tous les deux, portant un panier comme pour aller chercher des rations, et descendîmes la rue principale du camp, encore déserte à cette heure matinale de la journée. La colonne de femmes, en robes rayées avec un fichu de couleur crasseux sur la tête, approcha, entourée de gardiennes SS, en uniforme gris. Nous, qui nous attendions à voir de jolies femmes, ne vîmes que de pauvres prisonnières, aussi misérables que nous. Des « anciennes », me dis-je. Leurs souffrances étaient gravées sur le visage.
    J’eus du mal à reconnaître ma mère. Elle avait à peine trente ans, mais ses traits étaient aussi marqués que ceux de ses compagnes de misère. Je l’embrassai. En continuant à marcher, elle me dit qu’elle espérait que mon travail n’était pas trop dur. Ensuite, elle voulut me donner un morceau de pain, mais alors que j’étais en train de le refuser, un gardien arriva et me chassa. Notre rencontre dura en tout et pour tout une quinzaine de secondes…
    Le destin des femmes – ainsi me racontait mon messager – était dur, lui aussi. Elles travaillaient à l’usine, aux magasins, aux champs, dans les ateliers de couture – comme nous – onze heures par jour. Seules celles qui étaient jeunes et jolies – les hommes ne rentraient donc pas dans cette catégorie – pouvaient éventuellement être choisies pour aller travailler dans les bureaux.
    Avoir revu et touché ma mère fut un événement d’une immense importance. J’avais décidé de survivre, coûte que coûte, et ma détermination se vit renforcée par trois éléments. D’abord, il y avait Maman, dans le camp juste à côté, et elle attendait des nouvelles de ma part, pour la rassurer un peu ; ensuite, il y avait Papa, outre-Manche, qui se battait auprès des Alliés, avec l’espoir que ses efforts nous aideraient ; enfin, à l’extérieur, il y avait le monde, et avec lui, l’avenir, qui nous souriait et attendait de faire de nous des hommes.
    Cette rencontre avec ma mère me décida à aller voir le coiffeur du camp, au bloc 1, pour lui raconter tout cela. Il m’avait vaguement promis une aide et ce serait peut-être pour lui l’occasion de tenir parole.
    Il devait être un grand personnage, pensais-je en frappant à sa porte, car il avait une chambre pour lui tout seul. « C’est gentil de venir, me dit-il, mais avant de me dire quoi que ce soit, mange quelque chose – c’est pour cela que la plupart des gens viennent me voir. »
    Pendant qu’il me

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