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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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heures. Cela me rappelait la maison, les trains miniers et les mines de charbon.
    Tout à coup, ma rêverie fut interrompue. Quelqu’un m’attrapa par-derrière et me banda les yeux des mains. Sans défense, je m’attendais à ce que l’on me fouillât les poches. Mes agresseurs riaient. Je réfléchis un instant, me disant que cela ne pouvait pas être un geste de taquinerie, car tous les détenus ici étaient des étrangers pour moi, et la pression des doigts courts et épais sur mes pommettes n’avait rien d’amical.
    Les doigts se relâchèrent. J’avais devant moi un petit Russe, trapu, qui me tapait sur l’épaule, un grand sourire sur son visage large et rond. Il y avait autour de nous trois autres garçons de son genre, comme lui des pousseurs de locomotive. « Tu me reconnais ? cria-t-il en m’embrassant comme une vieille femme retrouvant son fils, cru disparu depuis longtemps, c’est moi, Wajnka ! Wajnka ! L’école des maçons ! »
    Oui, ça y est, maintenant je me souvenais. Il faisait partie du groupe des Russes, qui avait été transféré un an auparavant. Il n’était pas bavard et surtout tellement obstiné, que tout le monde préférait éviter son contact. Mais peu importait ! Nous avions changé tous les deux, nous étions maintenant de vieux amis, des anciens.
    Nous avions des tas de choses à nous raconter, mais la locomotive devait repartir. Le contremaître arriva et nous sépara. « Eux aussi, ils arrivent, me dit Wajnka dans un mélange de russe et d’allemand approximatif, en pointant vers la direction d’où venait le bruit des canons. Etom nasche . Ce sont les nôtres. Toi, moi, camarades. »
    *
     
    Nous étions la dernière semaine de janvier de l’année 1945. Nous reçûmes une maigre ration de pain et de margarine, fûmes conduits à la gare et entassés dans des wagons de marchandises, que nous finissions par bien connaître. Quelques minutes plus tard, dans le bruit saccadé et régulier des roues du train, nous quittâmes la région, laissant Breslau à l’est. Le grondement des canons nous accompagnait, tout proche. À certains endroits, on l’entendait plus distinctement encore qu’à Gross-Rosen et l’on voyait parfois des soldats, casque sur la tête, se protéger le long de la voie ferrée.
    Humilié, lançant des éclairs, le puissant dieu de la Guerre battait en retraite sur ces champs, où il avait connu la gloire* (N.D.A. : les Russes encerclèrent Breslau le 4 février 1945).
    Il faisait nuit, un vent glacial faisait trembler de froid nos maigres corps, insuffisamment couverts. Je me réveillai, pressé par un besoin urgent. Précautionneusement, j’enjambai mes camarades qui dormaient par terre, étendus dans des positions tordues, et allai trouver le garde SS. Il se redressa brusquement, braquant sa baïonnette : «  Was willste ?!  » – «  Ich muss austreten.  » – «  Austreten willste, Kackvogel ? Wenn de willst, kannst du gänzlich austreten. Von mir aus – mach, dass du auf die Puffer kommnst.  » (« Qu’est-ce que tu veux ?! » – « Je voudrais sortir. » – « Sortir, petit merdeux ? Si tu veux, tu peux sauter. Je te conseille d’aller sur les tampons. » Je n’avais pas le choix, grimpai hors du wagon, marchai en équilibre le long des barres de traction, baissai mon pantalon et pliai les genoux.
    Je me souviens également de m’être retrouvé en remontant, dans le coin d’un wagon inconnu, où personne ne voulait me parler. Je ne retrouvai ni ma place ni ma couverture. Je marchai en tâtonnant entre les corps recroquevillés sur eux-mêmes, cherchant quelqu’un que je connaissais. J’entendis qu’on chuchotait, m’accusant d’être fou. Lorsque je racontai être allé sur les barres de traction et ne plus retrouver mon chemin, ceux qui me repoussaient crurent que je déraillais complètement et quelques-uns me bousculèrent : « Fous le camp, nous emmerde pas ! »
    Finalement, je parvins à me faufiler quelque part dans un coin et, sans faire de bruit, je m’allongeai et m’endormis. Avais-je rêvé ? Étais-je en état de transe ? M’étais-je trompé de wagon ? Je ne le sus jamais.
    Nous atteignîmes Leipzig à l’aube. La ville était sévèrement détruite, mais son cœur battait encore : des enfants, sortant des caves au milieu des ruines, partaient faire la queue avec des filets à provisions et des seaux, pour ne pas manquer la distribution de pain et d’eau. Nous nous

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