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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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de passer à la désinfection. Non loin de nous, un groupe de Tsiganes de Buchenwald attendait. C’était leur jour de bain et d’épouillage mensuel. Il y avait donc des poux aussi à Buchenwald ! Ils étaient ici depuis 1944, et l’un d’entre eux avait été à l’école des maçons d’Auschwitz. « Ne me demande pas ce que sont devenus les autres Tsiganes, me dit-il en soupirant, c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quatre. »
    Arrivés à la baraque de la désinfection, nous laissâmes nos vêtements, nos chaussures et tout ce que nous avions : de précieux restes de bouts de papier, un minuscule crayon, des clous, des lacets, une cuillère, un couteau qu’on avait fait soi-même – nous dûmes tout rendre. Nous fûmes enfermés dans une pièce toute carrelée et attendîmes. Allongés, assis, debout, les heures passaient, il faisait chaud, et nos corps nus suaient et puaient. Ceux qui se tenaient devant la fenêtre ne voulaient pas que nous l’ouvrions, de peur d’attraper une pneumonie. Nous avions soif, demandions qu’on nous apportât de l’eau, mais personne ne nous prêtait attention. La porte était fermée. Il était interdit aux autres détenus du camp de pénétrer dans la baraque de la désinfection et les responsables semblaient occupés par les nouveaux arrivants, qui nous avaient précédés.
    L’attente dura dix heures, beaucoup s’évanouirent et ne parvenaient plus à se relever, quand enfin la porte s’ouvrit, nous laissant sortir. On nous expliqua que tout avait pris du retard, car les attaques aériennes avaient touché les arrivées d’eau.
    La procédure d’enregistrement se poursuivit – partout la même –, j’en étais à mon quatrième camp de concentration. Nos cheveux avaient repoussé – nous avions déjà une brosse de deux centimètres – et des détenus français, énervés et surmenés, nous tondirent le crâne avec des appareils qui avaient grand besoin d’être nettoyés, huilés et aiguisés. Nous fûmes ensuite plongés dans un bassin contenant un liquide désinfectant très abrasif, qui mordait la peau. Il brûlait et piquait tellement, qu’une fois sous la douche chaude, nous n’arrivions pas à le rincer complètement. Un médecin SS attendait dans la pièce d’à côté. À une distance de quatre mètres, nous devions défiler devant lui, pour passer ce qu’il était convenu d’appeler « la visite médicale ». Pour qu’il y eût quelque chose à noter sur la fiche, nous fûmes mesurés.
    Je reçus une chemise, une veste, un pantalon, des chaussettes et des chaussures. Il n’y avait pas de sous-vêtements. Une fois rhabillé, je pénétrai dans la salle d’enregistrement. Un Schreiber en tenue rayée me poussa le questionnaire sur la table. « Remplis toi-même. » C’était, semblait-il, d’assez anciens formulaires. Huit ans s’étaient écoulés, depuis les premiers enregistrements. 127 157 détenus m’avaient précédé, sans compter tous ceux qui avaient pris les numéros matricules des morts et qui n’apparaissaient pas. La plupart des jeunes se déclaraient plus âgés qu’ils ne l’étaient en réalité, de peur d’être classés parmi les « non aptes au travail ». En ce qui me concernait, j’avais été élevé à dire la vérité et n’avais pas l’intention de tromper le destin. Âge : 15 ans – Métier : maçon – Date d’arrestation : 28 juin 1943.
    Le Schreiber 7 , un détenu politique allemand, me prit le formulaire des mains et commença à le lire attentivement. « Alors ton père se bat auprès des Alliés ? » – « Je l’espère », répondis-je fièrement. – « Sache qu’ici, nous nous occuperons de vous », continua-t-il sur le ton d’un gérant d’hôtel, qui reçoit un client. « Nous sommes ici à Buchenwald et nous sommes tous des camarades, qui se soutiennent entre eux. Depuis que le camp existe, nous avons tout fait, nous les détenus politiques, pour obtenir de meilleures conditions de vie. Un de nos succès, par exemple, consiste en la création d’un Lagerschutz . Depuis, les gardiens SS sont remplacés par notre propre police, des gens en qui nous avons confiance. Cela n’a pas été facile à obtenir, mais maintenant, nous avons également besoin de vous, les nouveaux arrivants. J’espère que tu t’intégreras bien dans notre communauté. »
    Je lui répondis que j’étais juif et que je n’avais donc aucune prérogative,

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