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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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d’alerte aérienne se mit à hurler. Les classes se dirigèrent en rang vers les abris antiaériens.
    Des rangées de petites croix d’argent arrivaient par l’ouest, laissant sur leur passage de grandes traînées blanches dans le ciel : les bombardiers. Un avion-éclaireur volant à plus basse altitude les précédait, traçant un cercle juste au-dessus de l’endroit où nous nous trouvions. Je regardai tout autour de moi : les locomotives étaient à l’arrêt, tout le monde s’était mis à l’abri. Au loin, les avions commençaient à piquer. Le bruit des explosions était emporté par le vent, mais de gros nuages de fumée dense et noire, déchirés de gravats, s’élevaient au-dessus de la banlieue. Les traînées blanches, cette fois en direction de la gare, se multiplièrent dans le ciel. Quelques instants plus tard, notre train fut ébranlé par la force des explosions. Les hangars des entrepôts furent touchés. Nos gardes fuyaient dans tous les sens, cherchant un abri, et nous en vîmes qui traversaient en courant la voie ferrée en direction de Weimar, d’autres qui rampaient par terre, pour se cacher sous le train.
    Je fus le seul à rester dans le wagon à ciel ouvert. Tant qu’à mourir, écrasé dans cet enfer de tôle froissée et de trains qui avaient déraillé, ou être enterré à côté des nazis sous les décombres de quelque bâtiment qui s’effondrait, je trouvais qu’il ne valait pas la peine de courir. Je pris trois gamelles rondes laissées par mes camarades, les empilai les unes sur les autres, me les mis sur la tête et me recroquevillai dans un coin. J’avais sûrement une drôle d’allure avec mon grand casque rouge sur la tête, mais personne n’était là pour s’en amuser. De toute façon, l’heure n’était pas à la plaisanterie. Les bombes explosaient de partout et retombaient en une pluie de pierres.
    Lorsque tout fut fini, je m’époussetai et me redressai pour voir ce qui se passait au-dehors. Quelques voies plus loin, un train plein de betteraves fut assailli par les pillards. Puis nos gardes arrivèrent les uns après les autres, tirant tout autour d’eux, pour faire la preuve de leur puissance. On aurait dit qu’ils venaient de boire du thé avec du rhum.
    Nous retournâmes dans les wagons, où nous étions moins les uns sur les autres, car grand nombre d’entre nous s’étaient enfuis et d’autres s’étaient faits tuer.
    À la nuit tombée, le train fut rattaché à une petite locomotive à vapeur et tiré sur une voie unique. Les gémissements des blessés m’empêchaient de dormir, et je restai debout dans un coin du wagon, à scruter les environs pour voir si nous changions de paysage. Une épaisse traînée de fumée restait suspendue au-dessus des wagons et je la respirai à pleins poumons. Elle était noire et sale, mais chaude.
    Au bout d’une heure, nous arrivâmes à destination. Ceux qui en avaient la force sautèrent hors du train. Nous aurions bien aidé nos camarades invalides, mais ils étaient trop nombreux. Des hommes en uniforme bleu, coiffés de bérets noirs, portant des bottes impeccables, nous attendaient sur la rampe. Nous les prîmes pour des pompiers ou des troupes de rescousse. Ils nous ordonnèrent de nous mettre en rang, par cinq, et nous précédèrent, au pas. L’éclairage d’un lampadaire me permit d’observer nos gardes de plus près : ils portaient un brassard sur lequel était écrit : «  Lagerschutz* 6  ». Ils avaient, comme nous, un numéro matricule sur la poitrine. Au loin, nous aperçûmes une double rangée d’ampoules – la célèbre clôture de barbelés électrifiée.
    Nous passâmes devant des bâtiments, qui abritaient sans doute l’administration du camp. Devant l’un d’eux trônait un canon, impressionnant bien qu’un peu ancien, et je me demandai s’il était là pour nous dissuader.
    Nous arrivâmes au camp. Comme à Gross-Rosen, le portail d’entrée était surmonté d’une tour principale et flanqué de deux bâtiments latéraux, où se trouvaient les bureaux de la direction et les cellules d’arrêt. Derrière le portail, le site s’ouvrait sur l’inévitable vaste place d’appel. Deux inscriptions figuraient au-dessus de l’entrée du camp : « Droit ou injustice – ma Patrie » et « À chacun son dû ». Nous étions à Buchenwald, le camp des internés politiques allemands.
    Après une journée et une nuit passées sous une tente immense, ce fut notre tour

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