Taï-pan
discussions secrètes avec l’amiral.
— À quel sujet ?
— Pour mettre l’opium hors la loi. »
Robb se mit à rire.
« Mais je ne plaisante pas. C’était pour ça qu’il voulait me voir – avec l’amiral. Il voulait me demander conseil sur la date à laquelle lancer l’interdiction. L’amiral a dit que la marine n’aurait aucun mal à la faire respecter.
— Dieu du ciel ! Longstaff est fou, ou quoi ?
— Non. Simplement un peu idiot, dit Struan en allumant un cigare. Je lui ai dit de donner l’ordre à deux heures.
— Mais c’est de la folie ! protesta Robb.
— C’est la sagesse. La marine ne fera pas respecter l’ordre avant une semaine. “Pour donner aux marchands chinois le temps de disposer de leur marchandise.”
— Mais qu’allons-nous faire ? Sans opium, nous sommes finis. Le marché chinois est fini. Mort.
— Combien avons-nous en caisse, Robb ? »
Robb regarda autour de lui pour s’assurer qu’il ne pouvait être entendu, puis il répondit à voix basse :
« Il y a l’argent en Angleterre. Un million cent mille livres sterling dans notre banque d’Angleterre. Environ cent mille livres en lingots d’argent ici. Nous devons toucher trois millions pour l’opium saisi. Nous avons en ce moment deux cent mille livres d’opium à bord du Scarlet Cloud au cours actuel. Il y a…
— Trace une croix sur le Scarlet Cloud , gamin. Il s’est perdu.
— On ne peut encore rien savoir, Dirk. Nous allons lui accorder encore un mois. Il y a environ cent mille livres sterling dans ses cales. Nous devons neuf mille livres de traites.
— De quoi avons-nous besoin pour naviguer, les prochains six mois ?
— Cent mille livres paieront les navires, les salaires et les faux frais. »
Struan réfléchit un moment.
« Dès demain, il y aura la panique chez les marchands. Pas un d’eux – sauf Brock, peut-être – ne pourra vendre tout son opium en huit jours. Toi, je te conseille de faire expédier tout le nôtre le long de la côte cet après-midi. Je crois…
— Il faut que Longstaff change son ordre, s’écria Robb avec une anxiété croissante. Il le faut ! Il va ruiner le Trésor et…
— Tu vas m’écouter, oui ? Quand la panique sera bien là, demain, tu vas prendre jusqu’à notre dernier tael et tous les taels que tu pourras emprunter et tu achèteras de l’opium. Tu devrais pouvoir l’acheter à dix pour cent.
— Nous ne pourrons jamais vendre tout le nôtre en une semaine, et tu veux en racheter ? »
Struan fit paisiblement tomber la cendre de son cigare.
« Vingt-quatre heures avant que l’ordre ne devienne effectif, Longstaff va l’annuler.
— Je ne comprends pas.
— Une question de face, Robb, de sauver la face. Après le départ de l’amiral, j’ai expliqué à Longstaff que l’interdiction du trafic d’opium ruinerait tout négoce. Par la sangdieu, combien de fois faut-il que je l’explique ? Et puis je lui ai fait observer qu’il ne pourrait pas très bien annuler l’ordre tout de suite sans perdre la face et la faire perdre à l’amiral – qui est plein de bonnes intentions mais ne connaît rien au négoce. Donc, le seul moyen de s’en tirer était de donner l’ordre, pour sauver la face de l’amiral et son poste – et les siens propres – et puis de l’annuler. J’ai promis d’expliquer entre-temps le “négoce” à l’amiral. De plus, l’ordre fera bon effet aux yeux des Chinois et les mettra dans une situation désavantageuse. Il va y avoir une autre rencontre avec Ti-sen dans trois jours. Longstaff a été complètement d’accord avec moi et m’a demandé de n’en parler à personne. »
Le visage de Robb s’éclaira.
« Ah ! Taï-pan, tu es extraordinaire ! Mais qu’est-ce qui nous garantit que Longstaff annulera l’ordre ? »
Struan avait dans sa poche une proclamation signée postdatée de six jours, annulant le décret. Longstaff avait insisté pour qu’il la garde. « Tenez, Dirk, prenez-la tout de suite, comme ça je pourrai oublier cette histoire. Bon Dieu ! Toute cette paperasserie, vous savez, ça me tue ! Mais mieux vaut que cela reste entre nous jusqu’au moment voulu. »
« Est-ce que tu n’annulerais pas un ordre aussi stupide, Robbie ?
— Si, naturellement ! s’écria Robb en retenant l’envie de sauter au cou de son frère. Si nous avons six jours et que personne d’autre ne soit au courant, nous allons faire une
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