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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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comme un débardeur, avec des décolletés qui présentaient des immensités de chairs et de muscles ». Et c’était sans compter avec « ses larges épaules, son cou puissant, ses bras d’athlète, son teint bistré, ses gros traits et ses gros sourcils ».
    Et sur ses transports enfiévrés qui étaient propres à terrasser un amoureux de la plus solide des complexions !
    Or, on le sait, Charles Maurice était plus sensuel et raffiné au déduit qu’il n’était bouleux et rude.
    — Ah ! soupirera-t-il un jour, il faut avoir aimé madame de Staël pour comprendre tout le plaisir qu’on éprouve à aimer une bête...
    D’ailleurs il aura beau ahaner, s’échiner, payer de sa personne dans le lit de sa torride et infatigable égérie, il fera chou blanc, l’Assemblée lui refusera le maroquin escompté, il ne sera jamais le successeur de Necker aux Finances.
    Les finances ? Les siennes n’étaient alors guère plus saines que celles du royaume. Sa comptabilité laisse pourtant apparaître qu’entre 1789 et 1791 il avait encaissé officiellement l’équivalent de plus d’un million et demi de nos euros ! Et malgré cela il en était venu à emprunter les bijoux de madame de Flahaut et à les mettre en gage pour apaiser quelques créanciers nerveux. Son intendant, par exemple, qui se présente un jour devant lui la mine penaude :
    — Monseigneur, voilà quinze jours que l’argent me manque.
    — Ah ! et comment as-tu fait ?
    — J’ai fait de mon mieux.
    — C’est très bien, fais encore de même.
    Le jeu était son vice, on le sait. Il flambait, il était capable de brûler quelques poignées de millions en une nuit. Certes, il lui arrivait parfois de se remplumer un peu mais, en règle générale, sur un mois de folles parties de trictrac, le bas de la colonne des débits comptait systématiquement plus de décimales que celle des crédits.
    — Bah, disait-il sans rien laisser paraître de son trouble quand à l’aube il quittait la table les poches vides, quoi qu’il arrive je sais que je ne serai jamais un pauvre diable, je serai toujours riche.
    Un peu plus tard, il ajoutait :
    — J’ai constamment besoin de m’enrichir car rien n’est plus commode que d’avoir beaucoup d’argent, ne serait-ce que pour pouvoir le dépenser, car dépenser fait partie du plaisir de vivre.
    CQFD !

Chapitre six
    Doudou
    C’était couru. À force de jouer avec le feu de l’enfer, d’avoir renfloué les caisses de l’État en piochant dans les troncs de l’Église, souhaité que tous les membres du clergé prêtent serment à la Constitution civile, après avoir lui-même montré l’exemple, un jour ou l’autre Talleyrand était appelé à s’attirer les foudres de Rome.
    Ce jour-là, ce fut le 10 mars de 1791.
    D’abord, il y eut la consternation du pape Pie VI.
    — Nous avons appris que l’évêque d’Autun, contre notre attente, s’est engagé par serment à observer une aussi blâmable Constitution, confie le Saint-Père au cardinal de La Rochefoucauld. Nous sommes accablés d’une si violente douleur que la plume nous tombe des mains. Nous n’avons plus de force pour continuer notre travail et, jour et nuit, la pupille de notre oeil ne se ferme plus...
    Ensuite, il y a Louis XVI qui accepte la démission de « monsieur l’évêque de Saône-et-Loire » mais qui ne peut s’opposer à ce qu’il sacre trois prélats constitutionnels, l’abbé Marolles au siège de Soissons, le nommé Expilly à celui de Quimper et le père Gobel à l’évêché de Paris.
    Le ver étant dans le fruit, d’autres mitrés suivent bientôt l’exemple de Charles Maurice, l’abbé Diot notamment, qui devient évêque en Champagne, l’abbé Lamourette, l’abbé Avoine, etc., au risque de se faire railler par les partisans du Vatican. Ainsi dans les couplets qui circulent sous le manteau, le sieur Diot devient-il un évêque Idiot  ; on prétend aussi que le père Avoine n’a pas été en mesure de gagner son nouveau diocèse parce que ses chevaux l’ont mangé chemin faisant ; Lamourette, lui, est devenu le héros d’une chanson grivoise dans laquelle son nom rime avec turlurette , quant à Marolles on le compare tout simplement à un fromage nauséabond.
    Nouvelle crise de larmes de Pie VI.
    — Nous craignons de voir nos propres entrailles se déchirer par une si funeste séparation... Nous sommes navrés de tristesse, nous gémissons, nous nous desséchons, comme si l’on

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